Réinventer l'entreprise
Face à un monde devenu imprévisible, un nouveau modèle fascinant émerge. Bienvenue dans l'économie régénérative.
Hello les plongeurs, voilà la newsletter du Plongeoir #61.
Aujourd’hui on plonge dans un nouveau monde qui pourrait rebattre toutes les cartes. Celui des pionniers de l’économie régénérative.
Mais avant ça, je voulais te parler d’un post Linkedin que j’ai publié il y a 3 semaines :
Le sponsor du jour : Let’s Tolk.
Il a été vu 125 000 fois :)
Je l’ai écrit parce que je voulais mettre en avant le travail incroyable de Let's Tolk. Je suis intimement persuadé que c'est d'utilité publique.
Visiblement je ne suis pas le seul.
3 suicides sur 4 sont des hommes.
Aller voir un psy sauve.
Mais les hommes ne veulent pas l’entendre.
François Xavier et son équipe se sont donné l'ambition de changer ça.
Si tu veux essayer leur plateforme, c'est ici.
Si leur mission te parle, like ou partage le post en question :
Si ce n’est pas déjà fait tu peux aussi :
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C’est partiiii
Si tu as 1 minute
Constat 🧐 : Economie, climat, technologie, géopolitique : tout est désormais instable et imprévisible. Les superlatifs se multiplient, et on atteint un point de bascule. Heureusement, les entrepreneurs qui s’inspirent de l’économie régénérative montrent qu’on peut devenir robuste en ayant un impact positif incroyable.
Sujet 🤓 : L’économie régénérative utilise de nouveaux ingrédients pour inventer un modèle plus robuste. Ces pionniers créent des aventures désirables et rentables, décentralisent le leadership au niveau local, réalignent le capital. Ils embarquent leur écosystème et cherchent à avoir un impact global. C’est fascinant à analyser.
Défis 🤔 : Passer à cette économie régénérative peut paraître ambitieux. Tout peut se faire pas à pas et c’est tellement motivant !
J’ai co-écrit cette newsletter avec la brillante Sarah Dubreil. Elle explore comment créer et financer des activités régénératives (avec BPI Le Lab, le Club de Rome, HEC, etc.). Elle a co-écrit “Appréhender les approches régénératives” pour BPI, produit des contenus et accompagne des projets. Merci à elle !
Merci aussi à l’habituelle Alice Carré-Seemuller, qui m’aide dans l’écriture de ces plongeons ;)
On plonge ?
Si tu as 15 minutes
Au programme :
Constat : le monde est imprévisible.
Sujet : les ingrédients pour passer à une économie régénérative.
Défis : comment on fait ?
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Pour une fois, tout le monde est d’accord. Même à l’Assemblée nationale (si si je te jure). De quoi s’agit-il ?
1. Constat 🧐 : le monde est imprévisible.
Les grandes personnes aiment les chiffres.
2,4% : croissance mondiale attendue en 2024. C’est la 3e année de baisse consécutive. Bref, l’économie est instable.
250 milliards de dollars : coût des catastrophes naturelles en 2023. Ce chiffre a explosé. En France, il est passé de 3,7 milliards d’euros dans les années 2010 à 6 milliards depuis 2020. Le gouvernement espagnol vient de débloquer 14,4 milliards pour les victimes des inondations. La Californie n’est déjà plus assurable.
« Un monde à +4 °C n'est pas assurable. »
Henri de Castries, PDG d’Axa, 2015L’année 2024 sera l’année la plus chaude jamais enregistrée. La première à dépasser l'objectif de l'Accord de Paris de limiter le réchauffement climatique à +1,5°C. Bref, le climat est instable.
2e : classement de l’instabilité géopolitique dans le top 10 des risques émergents en 2024, juste derrière le changement climatique. Enlisement du conflit en Ukraine, Moyen-Orient, montée des populismes. En 2024, des élections ont lieu dans 70 pays (la moitié de la population). Bref, l’équilibre géopolitique est instable.
23% : proportion des Français craignant d’être dépassés par la technologie. L’IA pourrait transformer 13% des emplois. Bref, l’accélération exponentielle de la technologie crée aussi de l’instabilité.
Climat, politique, économie, technologie… Selon Edgar Morin, c’est un “festival d’incertitudes”.
En plus tout est interconnecté. Le climat influence la géopolitique, qui influence l’économie. Et vice versa.
Alors, comment on garde la patate dans un monde instable ? L’important n’est pas ce qui nous arrive, mais ce qu’on en fait :)
Définition
Aujourd’hui de nombreuses boîtes pionnières se transforment pour devenir robustes. Elles ont une capacité incroyable à trouver des ressources inattendues.
C’est juste fascinant, on a l’impression de voir le monde d’après sortir de terre.
Ces entreprises s’inspirent d’un mouvement : l’économie régénérative.
« Régénérer, c’est aller au-delà de la réduction d’impacts négatifs - ou de leur neutralisation - pour s’engager vers la génération d’impacts positifs nets pour les écosystèmes et la société. »
Une entreprise de l’économie régénérative est donc une entreprise qui génère du positif. Easy.
C’est super important, parce que si on se contente de réduire les impacts négatifs, à la fin ça reste du négatif.
Je sais ce que tu te dis. On a un président Américain qui dit que le climat est un canular. Et nous on dit qu’il faut aller encore plus loin. Too much ?
C’est justement le moment d’avoir un coup d’avance.
“Vous ne changerez jamais les choses en combattant la réalité présente. Pour changer quelque chose, construisez un nouveau modèle qui rendra obsolète le modèle existant”.
N’ayons pas peur des mots, il y a une opportunité à saisir pour toutes les entreprises ambitieuses.
Pourquoi ?
L’économie régénérative se base sur une loi de la nature. Une loi physique. L’arbre nourrit son écosystème grâce à ses feuilles qui tombent. Elles sont consommées, transformées en humus, et il en bénéficie en retour pour se nourrir.
Aider les autres à réussir est donc le meilleur moyen de réussir soi-même. La méthode pour réussir dans le régénératif est justement d’aider chaque membre de son écosystème à exprimer son potentiel. Si tes fournisseurs sont plus solides, tu vis mieux. Si tes salariés sont plus épanouis, tu vis mieux. Tu comprends l’idée. Et c’est pareil avec la nature.
Le meilleur moyen pour durer est de s’allier avec le vivant. On sait bien que si on veut aller nager loin en mer il vaut mieux éviter de nager face au courant. Mais va savoir pourquoi, à l’échelle collective on a fait l’inverse.
Depuis les années cinquante, on a décidé de nager à contre-courant avec de gros moteurs dans le dos.
Aujourd’hui on se rend compte que ça va devenir compliqué, alors on passe ces moteurs à l’électrique. Et on accélère.
Les pionniers de l’économie régénérative ont décidé de partir dans le sens du courant. Et de s’allier avec tous les nageurs et autres êtres vivants autour.
Quelques dates
Néolithique : Les humains se lancent dans l’agriculture. Ils domestiquent la nature pour sécuriser leur alimentation.
1637 : Descartes invite à “Se rendre maîtres et possesseurs de la nature”.
Depuis 1950 : L’accès quasi-illimité au pétrole puis au numérique et maintenant à l’IA nous propulsent sur une courbe exponentielle. On utilise de plus en plus de ressources, de plus en plus vite, pour accélérer de plus en plus.
2024 : la domination de la nature par l’Homme amène désormais à des extrêmes assez dingues. Par exemple, l’IA générative émettra plus de CO2 qu’un pays comme l’Espagne en 2027. La version ChatGPT 4 émettrait 100X plus que la version 3.5 d’il y a 5 mois. Le montant nécessaire pour développer l’IA serait de 7 000 milliards de dollars.
2027 : Elon Musk sera le premier humain à cumuler plus de 1 000 milliards de dollars de fortune. Son objectif est de nous emmener sur Mars.
“Coloniser Mars, repousser le vieillissement, transhumanisme : les titans de la Tech essaient par tous les moyens de s’extraire des lois de la nature.”
Douglas Rushkoff, El Pais, 2023
Pendant que l’humanité se déploie à l’extrême, 80% des insectes ont disparu en 30 ans en Europe. On se dit certainement que ça a déjà eu lieu dans l’histoire ? Les dinosaures par exemple ? Et bien ils auraient mis des milliers d’années à disparaître. On est les derniers dinosaures ?
Est-ce qu’on ne serait pas à un point de bascule ?
C’est le moment d’adopter l’économie régénérative. Quels sont les ingrédients de ces entreprises pionnières d’un nouveau modèle ?
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2. Sujet 🤓 : les ingrédients de l’économie régénérative.
Pour un futur alléchant, il faut des bons ingrédients. En voilà déjà 8. Allez on se régale.
Ingrédient 1 : la rentabilité.
Haha tu ne l’attendais pas celle-là ? Développer des boîtes profitables est obligatoire pour durer dans le temps et avoir un impact social important.
Les entreprises de l’économie régénérative ne se battent pas pour augmenter le profit. Elles se battent pour créer un futur positif, et ça les rend désirables. Elles deviennent plus rentables, parce qu’elles sont inspirantes.
Elles font aussi souvent le choix de la rentabilité face au volume d’affaires.
Par exemple, la marque Mustela (Laboratoire Expanscience, 1 200 salariés) a décidé de s’engager massivement dans le régénératif. Ils ont annoncé abandonner 20% de leur CA à horizon 2027, en arrêtant les lingettes pour bébé imbibées.
Ce produit génère beaucoup de déchets, d’impact sur la planète, et peu de rentabilité. Ils lancent en parallèle des “Maisons des parents” par exemple. Un modèle durable, désirable, et rentable.
Ingrédient 2 : la robustesse.
Il faut changer de logiciel. Notre économie tourne aujourd’hui avec celui de la performance.
“La performance, c’est la somme de l’efficacité et de l’efficience. L’efficacité consiste à atteindre son objectif, et l’efficience à le faire avec le moins de moyens possible. Donc quand on est performant, on atteint son objectif avec le moins de moyens possible.”
Quand on pense avoir des ressources infinies et que le monde est stable, le modèle de la performance est assez efficace.
Mais dans un monde qui multiplie les crises, il devient dangereux.
En juillet 2024, l’énorme panne Windows a mis à jour notre vulnérabilité. On a pensé l’efficacité sous un modèle centralisé. Mais si ça casse, c’est ingérable.
La vulnérabilité arrive sur le devant de la scène. Accepter que nous ne pouvons pas tout maîtriser est peut-être une grande partie de la solution.
Deux des bateaux favoris du Vendée Globe s’appellent même “Vulnerable”. C’est le pari d’Alexandre Fayeulle. J’adore cette vision, regarde leur vidéo en une minute.
Autre exemple : Les hôpitaux. D’un point de vue “performance” comme on l’entend dans l’économie traditionnelle, les plus “performants” sont ceux qui optimisent le mieux leurs lits. Moins un hôpital a de lits vides, plus il est optimisé.
Mais qu’est-ce qui arrive lors d’une crise comme le Covid ? Les hôpitaux qui avaient des lits vides à partager ont sauvé les autres. Les moins “performants” ont été la solution. Est-ce que la performance à un temps T est le bon indicateur dans un monde qui multiplie les crises ?
Certains parient plutôt sur la robustesse. On veut que ça tienne, et pour ça on accepte qu’il y ait du “jeu dans les rouages”.
Un bon exemple dans l’entreprise est la pause-café. À première vue, c’est de la contre-performance. Mais ça crée du liant massif dans des équipes qui peuvent ensuite réagir à toutes les épreuves ensemble.
“La robustesse, c’est maintenir le système stable malgré les fluctuations, à court terme et à plus long terme”
Voilà deux exemples qui m’ont marqué :
Charles-Edouard (cofondateur de HomeExchange) parlait de robustesse dans son vocal ici. C’est par exemple accepter que des membres HomeExchange eux-mêmes te répondent sur le Chat de la page d’accueil du site pour te conseiller sur l’échange de maisons. Il y a forcément des grains de sable, et parfois l’équipe aurait préféré répondre différemment. Mais au global et à plus long terme, c’est beaucoup plus puissant de laisser des membres se convaincre entre eux.
Acorus a 1 800 salariés, mais quasiment aucune fonction support. Pas de service Achats ou Recrutement classiques. Ils ont créé 100 Mini Entreprises en interne, autonomes dans leurs achats et recrutements. Ça n’est clairement pas le plus performant sur le papier et BCG ou McKinsey aurait certainement proposé un modèle avec des fonctions support centralisées. Mais ça crée des équipes épanouies, réactives, inventives. Cette culture a soutenu leur passage de 80 à 1 800 salariés en 14 ans.
Ingrédient 3 : transmettre le déclic.
Ces transformations démarrent forcément quelque part.
Il y a 3 types de boîtes :
La première fait du business comme avant, sans penser à l’environnement ni à l’impact social. Il en reste, mais de moins en moins.
La deuxième a commencé à se transformer pour réduire son impact. Elle a par exemple recruté une personne en RSE qui donne son avis au comité de direction. C’est aujourd’hui le cas le plus commun.
La troisième a eu un déclic : pour que ça change, il ne faut pas qu’il y ait le business d’un côté, et la RSE de l’autre. Il faut tout rassembler.
Dans ce 3e cas des dirigeants ont décidé de s’engager en totalité, et non en marge. Mais d’où est venu leur déclic ?
Certains sont engagés depuis toujours. C’est le cas du fondateur de Patagonia, Yvon Chouinard. Il avait d’emblée inscrit il y a 50 ans :
« La première valeur d’entreprise qui pose problème est la priorité à la croissance et aux profits à court terme, qui prévalent sur des considérations comme la qualité, la durabilité, la santé humaine et environnementale et le bien-être des communautés. L’objectif premier de notre entreprise est d’essayer de réorganiser la hiérarchie des valeurs qui la régissent en fabriquant des produits qui améliorent aussi bien la qualité de vie que l’environnement. »
Pour la majorité d’entre nous le déclic vient au fur et à mesure. C’est souvent un alignement “tête-coeur-corps”.
C’est ce déclic qu’essaie de générer une expérience comme The Week (initiée par Hélène et Frédéric Laloux, auteur de “Reinventing organizations”.)
En France, la CEC (Convention des Entreprises pour le Climat) a déjà formé plus de 1 000 entreprises. Leur mission est de “rendre irrésistible la bascule de l’économie extractive vers l’économie régénérative avant 2030.”
J’adore ce terme “irrésistible”.
Ingrédient 4 : viser un impact global.
Si tu te concentres en silo sur le CO2 par exemple, tu peux impacter négativement la biodiversité ou les communautés locales. Parfois ça aggrave le problème plus que ça ne l’améliore.
Les biocarburants sont un bon exemple de ces effets de bord.
Le leader mondial de carburants dits “renouvelables” Neste propose des “carburants écologiques issus de l’agriculture régénérative”. Cette boîte finlandaise a commencé par de la production de biodiesel via de l’huile de palme.
L’objectif était très cool : réduire les émissions de gaz à effet de serre liées aux transports avec ce carburant.
Mais ils ont mis de l’huile de palme sur le feu : déforestation et feux de tourbières liés aux plantations de palmiers, concurrence avec les besoins alimentaires, destruction d’écosystèmes locaux.
Il y a 9 « limites planétaires » à ne pas dépasser pour garder la Terre “habitable”. Nous en avons déjà dépassé 6. Cette vidéo de TF1 l’explique à merveille.
Avec une vision régénérative, Neste aurait pu intégrer dès le démarrage les populations locales, des experts de la biodiversité, autant que des experts de la décarbonation de l’automobile. Ils auraient probablement conçu un produit différent, plus durable et rentable sur le long terme.
Un bon exemple de régénératif en France est Oé, avec leurs vins engagés. Ils avancent pas à pas avec un objectif autant social (création d’emploi dans les vignes), que gestion de l’eau, biodiversité, ou carbone.
Ils sont clairement en train de positionner Oé comme un leader futur du vin en France, puisque leur modèle sera beaucoup plus robuste.
L’idéal est d’ancrer son business dans un espace sain entre les limites écologiques planétaires (plafond) et les besoins humains (plancher social).
C’est ce que certains ont matérialisé avec un Donut. Miam.
Quand on dit ça parfois on peut donner l’impression qu’il faut faire un peu de tout et ne plus faire de choix. C’est faux.
Prenons l’exemple de Tikamoon, cette boîte nordiste de 250 salariés. Ils fabriquent des meubles en bois massif.
“Nous avons fait le choix du meuble qui dure 100 ans. Nous ne sourçons que du bois FSC produit dans de très bonnes conditions écologiques et sociales. Mais nous n’avons pas décidé de ne sourcer que du bois français par exemple. Nous avons aussi du bois d’Indonésie, ou d’Inde. À chacun de faire son choix de “consommacteur” selon son budget.”
Arnaud Vanpoperinghe, CEO de Tikamoon
J’aime bien cet exemple parce qu’il exprime bien :
Le besoin de rester dans les limites écologiques et sociales (dans le donut).
Le besoin de faire des choix pour réussir à garder un modèle profitable.
Ingrédient 5 : agir localement
Chaque territoire a un contexte différent. L’économie régénérative place beaucoup d’importance à faire émerger la décision au niveau local.
Buurtzog est une entreprise de soins infirmiers super inspirante aux Pays Bas qui emploie 15 000 salariés. Ils font partie des pionniers de l’économie régénérative.
Chaque équipe sur le terrain est composée de 6 à 12 infirmier.es, sans boss. 21 coachs régionaux les accompagnent sans pouvoir de décision. Les fonctions support ne comprennent que 50 salariés.
L’objectif est clair : former puis laisser le pouvoir au local. Le modèle s’appuie sur 4 principes :
"Needing" : fais ce qu'il y a à faire pour le patient.
“Rethinking” : réfléchis à ce que tu fais, change de façon de faire si tu n'es pas persuadé que c'est la meilleure façon.
“Common sense” : utilise ton bon sens, plus que les règles ou les procédures.
“Meaningful relationships” : l’organisation est basée sur des liens humains de qualité.
Résultat ? Diminution de 40% du temps global passé par patient, réduction de 30% des demandes d’admission aux urgences, baisse de 60% des arrêts de travail et de 33% du turnover, hausse du niveau de satisfaction des patients et des médecins.
Chez n’importe quel concurrent, une personne qui intervient à domicile a son planning fixé en central. Elle doit passer chez untel puis untel, rester moins de X minute, faire telle tache et pas telle autre. On optimise la performance, pas la qualité de soin. La performance, pas la robustesse.
Un vrai changement de logiciel :)
Alenvi est une superbe boîte française qui s’est inspirée de ce modèle Buurtzog.
Ingrédient 6 : réinventer le leadership
Pour que le pouvoir vienne du local, il faut faire évoluer le leadership. C’est délicat à mettre en place avec un modèle classique super pyramidal.
“En tant que CEO on a décidé que je prenais seulement quelques décisions : le régalien, la relation à l’actionnaire, le financement de l’entreprise, l’expansion géographique. Pour tout le reste, les équipes se structurent, réunissent une équipe et prennent des décisions en autonomie.”
Antoine Denoix, CEO Axa Climate (200 salariés), podcast Ping !
Il existe plein d’outils très structurés pour y arriver.
Le livre Reinventing Organizations de Frédéric Laloux est une bible. Beaucoup d’entrepreneurs bien inspirés que j’ai rencontrés cette année comme Clément (Morning), Philippe (Acorus) ou encore Charles-Edouard (HomeExchange) l’ont dévorée page par page.
Il faut une forme de lâcher prise sur le contrôle pour se lancer dans le régénératif. Accepter aussi que la performance individuelle a moins d’intérêt que la performance collective.
C’est comme une cordée en montagne. Quel intérêt il y aurait à remercier un des membres de la cordée pour sa performance, en lui donnant deux fois plus de nourriture qu’aux autres ?
La rémunération dans ces entreprises est très souvent basée sur un bonus collectif.
Tu te dis peut-être que ça doit être le chaos. C’est en fait extrêmement structuré.
D’ailleurs je suis toujours surpris de voir à quel point celles et ceux qui sont à la tête d’entreprises décentralisées sont les personnes les plus cartésiennes. Par exemple, Philippe Benquet chez Acorus est un ingénieur centralien, et Frédéric Laloux qui a écrit “Reinventing Organizations” a passé 10 ans chez McKinsey.
Ça n’est par contre pas un mode d’emploi standard. C’est d’ailleurs tout le paradoxe. Il faut décentraliser la décision, mais il faut quand même un leadership puissant. Il faut pouvoir construire une culture forte et adapter le modèle à l’ADN de la boîte.
À court terme, une transformation culturelle donne souvent raison aux pessimistes. Il faut une personne avec un sacré leadership pour tenir le cap.
Ingrédient 7 : aligner le capital
Et oui, qui dit vision long terme, dit actionnaires alignés… Il faut éviter que le focus ne soit basé que sur le profit à court terme.
Cet enjeu est central chez les entrepreneurs de l’économie régénérative.
“On veut faire durer nos produits 100 ans et les accompagner sur 100 ans, mais dans 100 ans, je ne serai plus très en forme. Comment assurer la continuité du capital pour que la mission soit protégée ?”
Arnaud (Tikamoon), dans le podcast Cap Regen.
Si tes investisseurs veulent vendre dans 3 ans et qu’ils veulent maximiser leur capital à cet horizon, ça va être compliqué. Il va falloir trouver le moyen de les faire sortir avant, et accueillir des actionnaires différents.
C’est le cas des fonds qu’on appelle “evergreen” : ils n’ont pas d’horizon de sortie. C’est idéal et c’est parfois le cas des “Family Offices”, ces investisseurs qui placent le patrimoine de familles fortunées en visant le très long terme.
Tu peux même permettre aux salariés de devenir actionnaires, pour renforcer encore l’engagement et l’alignement.
« Nous avons la chance d’avoir un actionnariat familial, qui a pris conscience de la crise environnementale depuis longtemps. »
Marguerite Laborde, Directrice Mustela.
Il existe aussi un mécanisme passionnant appelé le « steward ownership », promu par Purpose Economy en Allemagne.
Le but est simple : permettre à une entreprise de protéger sa mission à vie. La boîte restera indépendante et engagée même lorsque les actionnaires changeront. On donne des droits de vote au conseil d’administration à certaines communautés, les “stewards”.
C’est un modèle qui a été choisi par Organically Grown Company, le deuxième distributeur de fruits et légumes bio aux Etats-Unis.
Certains vont même plus loin et font de la nature leur seul investisseur.
Patagonia a fait en 2022 de la Terre son “unique actionnaire”. Son fondateur a cédé son entreprise à deux entités :
Le Patagonia Purpose Trust : son rôle est de vérifier en permanence que le développement de l’entreprise suit parfaitement la mission et les valeurs définies.
Le Holdfast Collective : Il est le bénéficiaire des dividendes, au profit d’actions de protection de l’environnement, de la biodiversité, des communautés, etc. C’est près de 100 millions de dollars (excusez du peu) qui sont donnés à des associations de protection de l’environnement chaque année.
Ce mécanisme est de plus en plus populaire. Il y en aurait 11 300au Danemark et 20 en France, réunies au sein de la communauté DE FACTO. Un exemple connu est Léa Nature.
L’exemple de l’entreprise de cosmétiques Faith in Nature est aussi assez dingue en termes de gouvernance. Ils ont décidé d’inviter la Nature au conseil d’administration avec un droit de vote. Comment ?
Ce poste de directeur non-exécutif se partage concrètement entre deux femmes, chacune représentant une asso (Lawyers for Nature et Earth Law Center).
En France l’ONG Notre Affaire à Tous veut déployer ce modèle. Norsys (environ 50M€ de chiffre d’affaires) vient justement de donner un droit de vote à des représentants de la Nature.
Fou non ?
Ingrédient 8 : embarquer son écosystème
Les entreprises de l’économie régénérative ne se satisfont pas de transformer leur propre modèle. Comme elles savent que tout est interconnecté, elles cherchent à faire évoluer tout le monde autour d’elles.
“On ne peut devenir plus robustes qu'en jouant collectif. Il est impossible d'être robuste seul, et encore moins sans la nature. Cela veut dire se réunir en écosystème, et apprendre ensemble.”
Sarah Dubreil (co-autrice de ce plongeon)
Un bon exemple local est évidemment l’agriculture.
Si un industriel comme Danone veut que le produit final dans le supermarché soit issu d’une agriculture régénératrice, il va devoir embarquer tout un écosystème. Il faut motiver de nombreux agriculteurs, mais aussi les autres industriels.
Pourquoi ? Si un agriculteur veut transformer sa ferme, il faut l’aider à valoriser mieux l’ensemble des cultures, et pas juste celle qui intéresse Danone. Il faut motiver tous les industriels. C’est ce type d’écosystème qu’ils ont réussi à mettre en place en Picardie sur 20 000 hectares.
Autre exemple très différent : Yuka. Leur application permet à 60 millions de consommateurs dans le monde de savoir si un produit est bon ou mauvais pour la santé. Ils pourraient s’arrêter là, mais ils vont plus loin. Ils ont développé un logiciel gratuit pour les industriels. Ils peuvent améliorer leur recette et ainsi améliorer leur note Yuka et leur impact sur notre santé.
Le sponsor du jour : Let’s Tolk
Il y a 3 semaines, j’ai écrit ce post Linkedin sur Let’s Tolk, qui a été finalement vu 125 000 fois. 3 suicides sur 4 sont des hommes. Aller voir un psy sauve. Ils s’attaquent à cette mission.
Si ça te parle aussi, partage le post en question ici.
3. Défis 🤔 : comment on fait ?
Passer à cette économie régénérative peut paraître hyper ambitieux pour beaucoup de boîtes. Mais pas de stress, tout peut se faire pas à pas.
Sarah a coécrit cette newsletter pour nous, et elle conseille les entreprises dans cette transition progressive. C’est sa spécialité.
C’est un chemin, qui est bien plus excitant que celui de se construire un bunker pour quand il fera +4 degrés :)
On te raconte ça dans le 2e épisode que tu peux retrouver ici.
On te racontera aussi la vision d’Alenvi, un des pionniers français de cette nouvelle économie régénérative. Ils dégagent une énergie géniale.
Vive le futur ;)
Voilà, c’est terminé pour aujourd’hui. Merci de nous avoir lus jusqu’au bout.
🙏 Énorme merci à Sarah et à Alice pour la coécriture.
Merci aussi à Pierre et sa super newsletter, il m’aide à communiquer ce contenu au plus grand nombre, notamment par Linkedin.
J’ai deux derniers services à te demander :
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Merci pour cette newsletter inspirante. J'invite tout le monde à regarder une conférence d'Olivier Hamont sur la robustesse qui est nécessaire dans un monde instable ou les ressources sont limitées.
Tellement de notes prises durant la lecture de cette newsletter. Merci beaucoup !