Acorus : rénover le monde
Acorus est passé de 80 à 1800 salariés en 14 ans, et leur impact social et environnemental est fascinant.
Hello, voilà la newsletter du Plongeoir #56.
Cette édition fait partie de mon programme “Plongeons portraits”.
Aujourd’hui on plonge dans une véritable découverte : Acorus. Cette boîte reprise par Philippe Benquet en 2010 est passée de 80 à 1800 salariés en 14 ans, et de 24 à 280 millions de CA. Son impact social et environnemental est massif.
Si c’était une startup, elle serait sur tous les plateaux TV…
Si tu as 1 minute
Constat 🧐 : 500 000 logements doivent être rénovés chaque année pour atteindre la neutralité carbone en 2050, et les aides se multiplient.
Sujet 🤓 : L’histoire d’Acorus est complètement folle. Philippe reprend une boîte de plomberie de 80 personnes en 2010, et la transforme progressivement en un petit bijou d’impact social et environnemental de 1800 salariés… C’est fascinant !
Enjeux 🤔 : Acorus est composée de 100 Mini Entreprises autonomes. Ce modèle est basé sur une confiance totale envers les salariés, c’est magique de comprendre comment cela fonctionne...
Vocaux 📣 : Philippe, Anne-Claire, et Julien nous racontent comment ce modèle est possible avec leurs mots. Grosse dose d’inspiration !
On plonge ?
Cet article est un “Plongeon Portrait” du Plongeoir. Les partenaires rémunèrent le Plongeoir pour ce travail. C’est grâce à eux que cette newsletter reste gratuite. Tu peux lire ici comment on les sélectionne.
Si tu as 15 minutes
Au programme :
Constat : la rénovation est une nécessité.
Sujet : Acorus, une croissance de startup dans une boîte à impact rentable.
Enjeux : le modèle génial des Mini Entreprises.
La newsletter sera coupée avant la fin et tu louperas l’essentiel, alors lis-la en ligne ;)
1. Constat 🧐 : la rénovation est une nécessité.
Les grandes personnes aiment les chiffres.
23% : part du secteur du bâtiment dans les émissions de CO2 françaises. Un sacré morceau.
17 : Il faut 17x moins de matériaux pour rénover plutôt que pour construire du neuf.
7,2 millions : nombre de passoires énergétiques en France (classés F ou G). C’est 20% des logements. Seulement 6% sont A ou B.
2,5 : les logements Suédois consomment 2,5x moins d’énergie que les nôtres, alors que leur climat est plus rude. On sait ce qu’il nous reste à faire ?
Quelques dates
1973 : Premier choc pétrolier. Il provoque une prise de conscience mondiale sur la conso énergétique et inspire la première réglementation thermique (RT 1974).
2009 - 2019 : Les aides s’enchaînent pour rénover les logements, avec un prêt à taux zéro en 2009, un crédit d'impôt (CITE) en 2013, l’ambition de 500 000 logements rénovés par an dès 2017, et l’aide MaPrimeRénov’ en 2019.
2021 : Plan « France Relance » : 2 milliards d’euros sont dédiés à la rénovation énergétique.
2025 : La loi Climat et Résilience interdira de louer les logements classés G. Encore un coup de boost pour la rénovation.
La rénovation énergétique est une sorte de tapis roulant qui aligne sans problème forte croissance et impact environnemental. Et ça, Philippe l’a compris très tôt…
2. Sujet 🤓 : Acorus, une croissance de startup dans une boîte à impact rentable.
Voilà la petite histoire du superbe développement d’Acorus. Accroche-toi ;)
Le service dans les tripes
Philippe Benquet est ingénieur. Il a commencé sa carrière dans des grands groupes chez Veolia puis Elis (location de linge). Pendant 14 ans il a été patron de filiale, de région et a même piloté pas mal d’acquisitions.
Il en a ressorti la passion du service. Selon lui, la différence avec une activité industrielle est l’obligation de responsabiliser les équipes. Elles sont face au client. Si elles n’ont pas toutes les clefs et la motivation, le service sera mauvais.
L’appel du large
En 2009, Philippe veut reprendre une boîte. Il cherche le bon tuyau. Ça tombe bien, il rencontre le patron d’une entreprise de plomberie qui veut céder.
La boîte est déjà grosse, 24 millions de chiffre d’affaires et 80 salariés. Philippe est très intéressé :
Le modèle économique est solide, basé exclusivement sur du BtoB (vente aux entreprises). Les clients sont surtout des bailleurs sociaux.
C’est de la plomberie gérée comme du service, un boulevard pour déployer les ingrédients que Philippe a découvert pendant 14 ans.
Le potentiel est important : les clients ont besoin de plomberie, mais aussi de tous les autres corps de métier. On pourrait tout rénover ?
Philippe rachète cette boîte en 2010 avec l’aide d’un fonds d’investissement qui prend 20% du capital. C’est parti pour l’aventure !
Saison 1 (2010-2013) : la transformation.
Au démarrage, Philippe prend le temps d’analyser ce qui freine la boîte. Comme dans la plupart des boîtes de BTP, on prend beaucoup de sous-traitants. Mais comment assurer un service de qualité aux clients sans équipe stable ?
Philippe prend une première décision : arrêter l’interim et embaucher des salariés.
La deuxième décision majeure, c’est de recruter plus large qu’en plomberie. Alors qu’un plombier de formation se serait interdit de se lancer en électricité par peur de ne pas savoir faire, lui ne voit pas la différence. Il ne connaissait déjà pas la plomberie, pourquoi ne pas tenter l’électricité ?
Chaque fois qu’un client a besoin d’un service, ils recrutent des peintres, maçons, électriciens, etc. Objectif : devenir un "one stop shop” de la rénovation.
Résultat ? En 3 ans, le CA est multiplié par 2, l’effectif par 3, et la boîte reste profitable. Bim ;)
Saison 2 (2013-2016) : le coup de génie du Lean.
En 2013, Philippe lit un livre : “Le Lean appliqué à la construction” par Patrick Dupin.
Le Lean est une méthode qui a fait la réussite de Toyota dans les années 1950. Elle aide les entreprises à supprimer les tâches inutiles. L’objectif est toujours de mieux utiliser le temps et servir au maximum le client.
Ce livre crée beaucoup de déclics chez Philippe, qui a l’intuition qu’il y a de l’amélioration possible chez Acorus.
Dans le bâtiment on est en permanence obsédé par les délais et la qualité. Paradoxalement, les entreprises du secteur sont généralement très peu performantes dans ces deux domaines.
Philippe Benquet, Président d’Acorus
Patrick Dupin vient faire un diagnostic de la boîte pour comprendre quels sont les gaspillages. La réponse est une surprise totale.
Le plus gros gaspillage, c’est la posture managériale des conducteurs de travaux.
Patrick met à nu 2 éléments clefs :
1/ Ils passent la moitié de leur temps au téléphone :
“Allo, est-ce que le plombier est bien arrivé chez vous ?” “Non ? Je le rappelle je vous tiens au courant.”
Est-ce que le conducteur de travaux est secrétaire ou conducteur de travaux ? Selon Patrick, on est pile dans le gaspillage de temps décrit dans la méthode “Lean”.
2/ Leur posture de “commande / contrôle” est contre productive :
Le job classique du conducteur de travaux est de donner des ordres à des salariés pourtant experts de leurs métiers, sur des dizaines de chantiers différents. Il repasse le soir, et voit que ça ne s’est pas passé comme prévu. Il donne alors de nouveaux ordres, et ainsi de suite.
Dans cette posture, celui qui est le plus efficace est souvent celui qui court le plus vite, et qui crie le plus fort. Le technicien se sent infantilisé, le conducteur de travaux s’épuise. À ton avis qui en souffre au bout ? Le client, via des retards et des défauts de qualité.
Philippe décide directement de passer à l’action.
Il propose aux conducteurs de travaux de donner aux clients les numéros de téléphone de tous les membres de leur équipe : plombier, électricien, peintre etc.
Ils hésitent. S’ils le donnent, à quoi servent-ils ?
Certains finissent par tenter. Leur téléphone s’arrête instantanément de sonner. Magique ! Ils peuvent gagner un temps de fou pour aider des techniciens en difficulté, et accompagner les clients en profondeur.
Comme les conducteurs de travaux sont devenus moins stressés et plus dispos, on leur a donné le droit d’embaucher les personnes dont ils avaient besoin sans demander l’autorisation au siège. Nous les avons même encouragés à embaucher à l’avance, sans attendre que le besoin s’en fasse sentir.
Philippe Benquet, Acorus
Il décide d’aller un cran plus loin encore. Tous les rdv étaient fixés par une assistante, et le technicien allait là où il devait aller à l’heure voulue. Dès qu’il y avait un couac sur la route ou une urgence, ça partait en allers-retours interminables entre technicien, assistante, client, conducteur de travaux.
Résultat : c’est le client qui en pâtissait en bout de chaîne. Un cas d’école pour le “lean”.
Ils ont alors dit aux techniciens : « voilà tes rdv et fais toi-même ton planning ». Au démarrage il y a eu beaucoup de réticences. Les techniciens trouvaient que ça n’était pas à eux de faire du secrétariat et qu’ils perdraient du temps.
Aujourd’hui plus aucun d’entre eux ne veut revenir en arrière. Ils optimisent leur planning en fonction de leurs envies, gèrent leurs urgences, et surtout : ils se sentent responsables.
On passe beaucoup de temps au boulot. Pourquoi imposer que ce temps soit régi par de l’obéissance et des contraintes, et pas de la confiance, de la reconnaissance et de la responsabilisation ?
Philippe Benquet, Acorus
Je te raconte tout ça parce que c’est de là que le modèle se débride vraiment. Le chiffre d’affaires est multiplié par 3 en 3 ans. En 2017 Acorus fait 130 millions d’euros de CA avec 750 salariés sur de très nombreux métiers.
C’est, dingue que les résultats de ces projets “Lean” aient été si instantanés. Le gaspillage de temps a été diminué de 20 à 30% en quelques mois. Le délai pour rénover un logement a été diminué de 25%...
La leçon pour Philippe est évidente : il faut faire un maximum confiance aux équipes pour voir la magie opérer.
Saison 3 (2016-2019) : l’entreprise partagée.
Philippe se passionne de plus en plus pour les modèles qui transmettent de la confiance et de l’autonomie dans les équipes pour performer. Il tombe sur le concept de l’entreprise libérée, via les livres de Isaac Getz, Frédéric Laloux, et David Marquet.
Il est hyper inspiré par ce sujet, mais préfère réfléchir à un modèle qu’il nomme “l’entreprise partagée”. Il n’a pas envie de libérer l’entreprise de ses managers, comme c’est le cas dans le concept d’entreprise libérée. Mais il veut décentraliser au maximum la responsabilité.
En 2018 la boîte parait plus que jamais sur des rails : le secteur de la rénovation explose, les équipes sont autonomes pour grandir, et Acorus peut intervenir sur tous les métiers. Sky is the limit.
Pourtant c’est à ce moment-là qu’arrive une grosse crise de croissance. Mi-2018, Philippe se rend compte que l’entreprise perd de l’argent.
Cette culture de l’autonomie et de la confiance commençait à montrer tous ses mauvais côtés, avec plusieurs cas de vol par exemple. Certains nouveaux pouvaient aussi confondre autonomie et anarchie. Il y avait un gros défaut de transmission de la culture tout simplement.
“J’ai compris qu’ici on ne pouvait pas critiquer les gens. Les membres de mon équipe arrivent en retard et ne bossent pas assez mais je ne dis rien.”
Un conducteur de travaux récemment embauché chez Acorus, en 2016.
Beaucoup d’entrepreneurs auraient fait machine arrière.
Philippe est persuadé que cette culture de confiance et d’autonomie reste la bonne. Il répète les règles de fonctionnement encore et encore, et les structure pour que chacun puisse les comprendre plus facilement.
Quand on a pris une direction par conviction, il faut la suivre. Le pire c’est de créer une culture molle qui n’est exceptionnelle en rien.
Philippe Benquet, Acorus
Ils décident aussi d’investir fortement dans les services support (achats, recrutements, etc.). Non pas pour tout contrôler, mais pour mieux conseiller et accompagner les équipes terrain.
Ce que je trouve fou c’est que Philippe décide d’aller encore plus loin dans l’autonomie des équipes, alors qu’il est en pleine crise. Il crée le concept de “Mini Entreprises”.
Ils sont partis du principe qu’à 20 personnes, leurs équipes actuelles étaient déjà plus grosses et complètes que la grande majorité des entreprises du bâtiment. Elles réalisaient 1,5 à 5 millions de CA.
Ils ont décidé que ces équipes deviendraient des Mini Entreprises, avec l’autonomie la plus complète possible. Il y a plus de 100 Mini Entreprises dans le groupe Acorus aujourd’hui. Ils ont recréé la culture entrepreneuriale des PME, dans un groupe qui devient une jolie ETI (Entreprise de Taille Intermédiaire). Magnifique !
Acorus a retrouvé sa rentabilité dès la fin 2018, et l’année 2019 a été excellente. Il y a eu par contre beaucoup moins de croissance pendant ces 3 années. Le CA est passé de 130 à 145 millions d’euros.
Saison 4 (2019-2022) : une plateforme de croissance
Lorsqu’il s'agit de se développer en Ile de France sur de nouveaux métiers comme il a pu le faire sur la plomberie, l’électricité ou la peinture, Philippe trouve que la croissance organique est idéale. Elle a fait largement ses preuves ces 10 dernières années chez Acorus.
Mais pour ce qui est du développement chez un nouveau type de client ou dans une toute nouvelle géographie, c’est souvent plus rapide d’acheter une autre entreprise. C’est aussi un moyen d’accélérer.
Il décide d’une première acquisition en 2020, puis 3 en 2021 et 4 en 2022.
À la fin de la saison 4, l’effectif était de 1600 personnes, pour 265 millions d’euros. Jolie croissance de nouveau :-)
Saison 5 (Depuis 2021) : vers un maximum d’impact
On est nombreux à pouvoir dater une forme de “déclic écologique”.
Pour Philippe, c’est 2021. Il lit le rapport du GIEC, et prend conscience de la gravité de la situation.
Le principal impact environnemental que peut avoir Acorus est tout simplement d’accélérer encore pour rénover plus.
Mais Philippe et son équipe ne veulent pas se satisfaire de leur croissance, alors ils ont analysé leurs principaux postes de consommation de CO2.
Les émissions d’Acorus se décomposent comme ça :
50 % via les équipements installés (chaudières, éclairages, etc.)
40 % via les matériaux utilisés pour rénover les bâtiments
10 % via leur fonctionnement (ex du carburant consommé par les véhicules).
3 projets m’ont paru vraiment intéressants dans leur stratégie, à des échelles différentes.
Réemploi
50% de l’empreinte d’Acorus repose sur les équipements. Pour eux, c’est une évidence de chercher à les réemployer.
Pour passer à l’action Philippe décide d’investir dans une startup du secteur en 2022 : Cycle Up. En plus de ça, deux salariés Acorus décident de prendre ce sujet à bras le corps. Anne Claire et Zarroug croient dur comme fer au réemploi des lavabos et des toilettes.
Le principe est simple :
Les techniciens Acorus ne détruisent plus les sanitaires quand ils les démontent, et ils essaient de les ramener intacts à l’entrepôt (premier challenge !)
Ils sont plongés (les sanitaires, pas les techniciens) dans différents bains pour être parfaitement nettoyés et détartrés, et les pièces d’usure comme les joints sont changés par des neuves.
Des packs sont reformés (ex lavabo + bloc + mitigeur), et une garantie de 2 ans est fournie.
Les clients ne doivent pas ressentir d’écart de qualité avec le neuf. La seule vraie différence ? Les sanitaires sont tous différents ! Un bailleur social peut même se retrouver avec un ex-lavabo d’hôtel 5 étoiles. La classe non ?
Après un an de test, un atelier complet nettoie et reconditionne des sanitaires toute la journée. Une partie est réutilisée par Acorus, l’autre est vendue à Bouygues, Eiffage ou encore CEDEO. C’est une première en France.
Pour le moment cette activité n’est pas rentable, parce que les volumes sont encore trop petits.
Avec la montée en volume qui va arriver il sera possible d’industrialiser les process, et il deviendra profitable de reconditionner énormément de matériaux. Le réemploi deviendra un jour le premier fournisseur du BTP.
Anne-Claire Muller, Acorus
Certains clients comme Ile de Paris Habitat ont accepté de recevoir par défaut des sanitaires en réemploi. Ça sent le début d’une grande transformation non ?
Dividendes climat
Philippe décide de s’impliquer dans un deuxième projet pour accentuer l’impact d’Acorus. Il est entré au board de l’asso Dividendes climat qui a été cofondée par Team For The Planet.
Imagine qu’Acorus isole un bâtiment. Cette rénovation va permettre une réduction des émissions de CO2 qui est facilement mesurable.
Ces dividendes ne sont pas des crédits carbone. Ils n’ont aucune valeur financière, et ils ne peuvent pas être utilisés pour “devenir neutre en carbone”.
À la fin de l’année, Acorus pourra les afficher dans ses reportings aux actionnaires.
La vision ? Entrer dans un monde où l’on est aussi fier d’exposer ses résultats financiers que ses dividendes climat.
Crédit mobilité
C’est le 3ème projet à impact environnemental que j’ai trouvé super inspirant chez Acorus.
Si tu es salarié et que tu as le droit à un gros véhicule de fonction haut de gamme, c’est souvent difficile de le refuser. Combien répètent la même chose : “Ils auraient mieux fait d’augmenter mon salaire.”
Acorus a mis en place le crédit mobilité :
Tu peux décider de prendre une voiture plus petite, ou même pas de voiture du tout.
En échange tu peux utiliser ce budget économisé pour prendre des trains pour toute ta famille, louer une voiture ou même commander des taxis.
Inspirant non ?
Et comme il n’y a pas d’impact environnemental sans impact social, Philippe décide en parallèle d’engager la boîte dans deux projets massifs :
La semaine de 4 jours.
La participation des salariés au capital.
Semaine de 4 jours
Pour Philippe c’est évidemment le futur. Les entreprises doivent devenir plus efficaces. Elles doivent réduire le gaspillage de temps, et le rendre aux salariés pour une vie plus équilibrée.
Je ne peux pas m’empêcher de m’interroger : si chaque entreprise ou collectivité supprimait les gaspillages de temps et d’efficacité grâce au “Lean” comme Acorus l’a fait… Beaucoup de salariés pourraient passer à 4 jours sans aucune perte ?
Ce que je trouve fou aussi est que la majorité des salariés sont techniciens, pas cadres. Combien répètent que la semaine de 4 jours n’est possible que pour certains types de métiers ?
1 200 salariés expérimentent depuis le 1er mars 2024 la semaine de quatre jours. Les techniciens passent de 39h en 5 jours à 35h en 4 jours, payées 39. L’encadrement passe de 12 jours de RTT (réduction du temps de travail) à 47.
Philippe Benquet, Acorus
Participation des salariés au capital
Les employés possèdent 10% du capital, et peuvent régulièrement investir à la hauteur de leurs moyens.
Depuis peu Acorus leur propose même de lancer des Mini Entreprises sous format franchise.
Je suis hyper impressionné par Acorus. S’ils avaient été une startup, on en parlerait sur Linkedin toute la journée :
Chiffres : 24 à 300M€ de CA en 14 ans, toujours rentable.
Impact social : de 80 à 1800 salariés, 100 Mini Entreprises, la semaine de 4 jours, les salariés intéressés au succès.
Impact environnemental : la rénovation est le plus gros enjeu du BTP.
C’est fou non ?
La newsletter va être coupée avant la fin et tu louperas l’essentiel… Alors lis-la en ligne ;)
3. Enjeux 🤔 : le modèle génial des Mini Entreprises.
Elles résument à elles seules toute la culture d’Acorus. Parmi les 1800 salariés d’Acorus, 1600 font partie d’une des 100 Mini Entreprises. Ces boîtes ont été créées de toutes pièces à l’intérieur du groupe.
Elles sont un ascenseur social incroyable. Une majorité de chefs d’entreprise étaient techniciens et n’auraient jamais imaginé vivre cette trajectoire un jour.
“On m’a donné ma chance, j’ai vraiment l’impression que ma Mini Entreprise est une petite boîte familiale. Je n’ai jamais la boule au ventre en arrivant au boulot.”
Julien De Oliveira, ex-technicien, maintenant chef d’une Mini Entreprise
Comment ça marche ?
Des directions et des agences (cercles bleus et verts) : Elles redirigent les appels d’offres gagnés par le groupe vers la Mini Entreprise la plus pertinente. Elles veillent aussi à ce que les Minis ne soient pas concurrentes. Les Minis peuvent aussi y retrouver des locaux et un bureau d’études. Bref, elles mutualisent des moyens opérationnels pour faire cartonner les Minis.
Des services partagés (cercles jaunes) : On pourrait le voir comme un comité de direction avec des équipes “Achats", “RH” etc. Mais non ! Ce sont des outils et conseils à dispo pour les Mini Entreprises. Ce ne sont surtout pas des supérieurs hiérarchiques. Par exemple, le service “Achat” déploie un logiciel d’achats, mais ne gère pas les achats des Minis.
Les Minis sont le poumon d’Acorus
Toute l’attention est portée sur les besoins des Mini Entreprises. Le reste de l’équipe a comme unique objectif de les aider.
Pourquoi parler de poumons ? Parce que Philippe et ses équipes ne veulent pas étouffer Acorus.
Ils ont une volonté très forte de garder le siège social le plus léger possible. Ils ont une peur bleue de voir arriver le fameux “effet grand groupe” avec ses fonctions centrales inefficaces et ses process à n’en plus finir.
J’ai trouvé ça assez dingue à creuser. L’exemple le plus parlant pour moi a été leur modèle de recrutement.
Acorus recrute 600 personnes par an. Accroche-toi : uniquement 4 personnes s’en occupent, sans aucun support externe. 150 personnes recrutées par personne et par an (et à la semaine de 4 jours) ? Comment c’est possible ?
La raison est simple : ce ne sont pas des chargés de recrutement, mais des consultants internes.
La DRH n’existe pas, elle s’appelle “Direction du développement humain”.
La DRH chez Acorus est dans chaque Mini Entreprise. Il n’y a aucun sujet sur lequel ils n’ont pas la décision finale, des augmentations de leurs équipes aux décisions de recrutement.
Si une mini veut recruter, elle peut le faire de A à Z sans même avoir besoin de demander un accord au siège. Il n’y a ni dernier entretien de culture par la direction, ni premier filtre pour vérifier. Ni même une validation de budget…
Par contre la Mini peut demander de l’aide : un conseil sur la rémunération, une participation à un entretien, un feedback. Mais elle reste seule maîtresse de la décision.
Parfois certaines Minis nous demandent un avis et on dit clairement “A ta place, je ne le recruterais pas.” Parfois ils recrutent la personne quand même. Ils sont responsables à 100%, et se rendent compte par eux-même de leurs succès et de leurs erreurs. Ils doivent alors les gérer, se séparer parfois de profils. Ils apprennent…
Maxime, Directeur du développement humain
Pour être capable de développer ce type d’organisation il faut faire totalement confiance à ses équipes.
Comme on fait confiance à nos poumons.
Prenons l’exemple des négociations salariales. Il faut bien gérer le budget global d’Acorus.
Et bien accroche-toi, le siège n’intervient pas. Les Minis gèrent elles-mêmes sans intervention du siège et peuvent augmenter quelqu’un autant qu’elles veulent.
Globalement ils tournent à +2,5% d’augmentation par an. Il faut croire que quand une équipe a vraiment les clefs elle prend aussi conscience de sa responsabilité.
L’équipe de Développement humain va plutôt chercher à former au maximum tout au long de l’année les Minis pour qu’elles aient toutes les clefs et qu’elles soient capables de décider elles-mêmes au moment voulu.
Un peu comme quand tu vas courir chaque semaine pour former tes poumons à un potentiel sprint.
Et alors, ça marche ?
En 6 ans de gestion de ma Mini Entreprise, j’ai géré 40 salariés. J’ai vécu 3 départs, dont 2 qui étaient partis pour gagner mieux ailleurs et qui sont revenus depuis. Le turnover est super faible, personne ne veut revenir à un management “commande / contrôle”.
Julien, chef d’une Mini Entreprise
Les Mini Entreprises sont très libres mais il y a évidemment certaines règles du jeu.
Les règles du jeu des Mini Entreprises
Rentabilité
Les Mini Entreprises sont comme de vraies entreprises. Elles peuvent dépenser ce qu’elles veulent, mais elles doivent rester rentables.
Transparence
Toutes les Minis ont accès en temps réel à tous les chiffres des autres Minis. Un outil de visualisation permet de mieux les comprendre. La transparence permet de s’améliorer évidemment. Mais elle permet aussi de maximiser la confiance et le sentiment de responsabilité. Je peux faire ce que je veux, acheter ce que je veux, recruter qui je veux. Mais tout le monde voit ce que je fais.
Une seule activité par Mini
Pour que chaque Mini soit super efficace, il faut qu’elle ne s’occupe que d’une seule activité. Par exemple, la remise à neuf de logements sociaux entre locataires.
Si une mini se retrouve à gérer deux activités parce qu’elle a poussé les murs, on la coupe en deux. C’est évidemment une super nouvelle, parce que ça veut dire que cette Mini a trouvé de nouveaux marchés.
Mais si elle commence à gérer une réunion de 2h tous les vendredis pour concilier l’agenda de deux équipes, alors c’est du temps perdu.
Il vaut mieux que chaque activité se structure en Mini Entreprise, et hop la réunion du vendredi sera inutile, et ce temps pourra être rendu aux clients ou aux salariés (ex de la semaine de 4 jours qui a été rendue possible par cette efficacité).
On ne divise donc pas la Mini Entreprise en fonction de sa taille si elle reste sur une activité homogène. Dès qu’elle se complexifie, hop on la coupe.
En plus ça permet de créer des perspectives pour les salariés, qui peuvent devenir chefs d’entreprise.
Pas de concurrence
Les mini ne peuvent pas se faire concurrence, c’est fondamental pour encourager la collaboration. Une seule exception : la phase d’exploration. Par exemple imagine deux Minis qui cherchent à développer l’installation de bornes de recharge pour les véhicules. Si une des deux prend de l’avance, elle centralisera toute l’activité et l’autre arrêtera d’explorer ce sujet.
La Mini qui s’est développée le plus vite sur ces bornes sera coupée en 2, pour que l’activité “Bornes de recharge” soit une nouvelle Mini.
Un siège social en mode plateforme
Philippe a une vision assez incroyable des services centraux. Il les voit comme une plateforme “As a service” pour les Mini Entreprises. Acorus développe donc de plus en plus d’outils numériques.
Il y a déjà un logiciel maison pour les achats, le suivi des chiffres, le recrutement ou même la comm interne. Demain il pourra même y avoir une IA basée sur les données internes de la boîte pour aider les Minis à prendre leurs décisions.
L’objectif est clair : permettre aux Mini Entreprises de bénéficier réellement de l’apport du siège, sans qu’elles n’en deviennent esclaves.
D’un point de vue social c’est très intelligent puisque ça renforce encore cette culture de confiance et d’autonomie.
Et d’un point de vue financier c’est brillant, puisque Philippe pourrait imaginer recruter des milliers de salariés supplémentaires sans alourdir le siège.
L’exemple le plus parlant reste l’outil d’achats. Tu peux imaginer l’enjeu que ça représente quand tu laisses une centaine de Mini Entreprises totalement autonomes sur des dépenses en millions d’euros !
Il y a 150 000 références produits dans le logiciel. Chaque mois, plus de 700 salariés différents s’en servent pour commander, des techniciens aux chefs de Mini Entreprises, en passant par les directeurs.
Et bien figure-toi qu’il n’y a aucun plafond d’achat. Si je suis technicien j’ai les mêmes droits pour commander que Philippe. Si je veux commander pour 30 000 euros de boulons, la commande passera.
Le logiciel apprend de chacun ensuite. Par exemple, si quelqu’un a négocié un prix, ça sera enregistré par l’outil et l’acheteur suivant sera en mesure de dire au fournisseur : « Vous nous avez déjà fait une réduction sur ce produit, je veux la même. »
La performance de ce type d’outil est fondamentale pour encadrer tout le process et alimenter la compta et le reporting. Mais ça permet aussi l’apprentissage et la responsabilisation de chacun.
4. Vocaux 📣 : conseils de l’équipe
Philippe Benquet, président d’Acorus
Ce que je retiens du vocal de Philippe :
Quand on voit une culture aussi décentralisée, on pourrait se dire que c’est voué à l’échec. On imagine vite que ça sera le chaos. Sur le papier la centralisation, c’est plus sûr.
Chez Acorus ça n’est pas ce qu’il se passe parce que la confiance permet aux gens de venir au travail avec le sourire. Ils ne subissent pas leur job ils le construisent. Ils peuvent grandir et apprendre.
Il y a un cadre, mais il est flexible. Tout le monde est plus investi, plus connecté. Ça marche encore mieux qu’on ne l’aurait imaginé !
Julien de Oliveira, chef d’une Mini Entreprise
J’ai demandé à Julien pourquoi il n’irait pas créer sa propre boîte de BTP ?
Devenir entrepreneur, c’est prendre un risque financier et c’est inconnu.
Chez Acorus on gère nos Mini Entreprises, nos marchés, nos équipes sans risque.
Ce qui me fait rester c’est cette autonomie, responsabilisation, liberté, sans prendre le risque de créer moi-même.
Anne-Claire Muller, adjointe à la Direction Stratégie & Développement.
Ce que je retiens :
Il y a une grosse carte à jouer sur le réemploi de matériaux, les filières sont peu développées. On a lancé le réemploi de plomberie / sanitaire pour commencer.
Il faut que le réemploi réponde aux mêmes standards que le neuf.
Il y a 3 challenges à relever pour développer le réemploi :
Embarquer les clients : “non seulement on va installer des matériaux qui ne sont pas neufs, mais en plus c’est plus cher" parce que c’est le début.”
Embarquer les collaborateurs : montrer que les techniques de pose sont les mêmes, et que la qualité sera au rdv.
Trouver du gisement : convaincre les équipes de ramener les sanitaires réemployables, mais aussi convaincre les autres entreprises qui ont du bâti.
C’est tout pour aujourd’hui, merci de m’avoir lu jusqu’au bout. J’ai adoré bosser sur ce plongeon avec Acorus, j’espère que tu as aussi apprécié !
J’ai deux derniers services à te demander :
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À très vite,
En fait, liker c'est très en-dessous de ce que m'inspire l'article. Genial de lire l'exemple d'Acorus et chapeau à Philippe et ses équipes.
Je partage l'avis de Marion, l'histoire est à peine croyable. Merci d'avoir mis en lumière et surtout bien expliquer le fonctionnement de cette entreprise hors norme. Et franchement de bon matin, c'est super de lire des aventures entrepreneuriales et humaines comme ça !