Le Slip Français : réinventer le textile avec panache
Le made in France peut-il devenir accessible ? Le Slip Français est en train de relancer l'usine France.
Hello, voilà la newsletter du Plongeoir #42.
Cette édition fait partie de mon programme “Plongeons portraits”. Cette semaine, j’ai choisi de plonger au cœur des défis du Slip Français, la plus grosse boîte de textile made in France.
C’est parti ;)
Ce plongeon portrait est évidemment propulsé par Le Slip Français. Ils viennent de lancer une révolution pour rendre la mode accessible. Soutenons-les ;)
Si tu as 1 minute
Constat 🧐 : Le textile made in France représente 3% de notre consommation. Pourtant un vêtement produit chez nous émet 2X moins de CO2 et crée de l’emploi sur notre territoire. L’industrie textile a perdu 80% de son effectif sur le dernier siècle. Et si une révolution démarrait ? Le Slip Français est en train de le montrer.
Sujet 🤓 : L’histoire du Slip Français est passionnante. Passer d’une simple envie de produire en France à une boîte de 20M€ de chiffre d’affaires en 13 ans, c’est classe. Pourtant ça n’est pas de tout repos et les challenges sont encore massifs. Les coûts de prod sont élevés et un virage stratégique est pris en ce moment par le Slip : diviser les prix par deux pour que la mode made in France redevienne la norme. C’est passionnant à décrypter.
Défis 🤔 : Il est possible de produire en France, parce qu’il y a de vrais avantages business, comme la réactivité. C’est aussi totalement en phase avec l’évolution de la société qui va progressivement consommer moins mais mieux. La filière textile s’entraide énormément pour se renforcer : une vraie coopétition. L’usine du futur peut être en France si on le décide.
Vocaux 📣 : Léa et Guillaume (dirigeants du Slip Français), et Dephine (Directrice usine Chantelle) nous ont laissé un message vocal passionnant. Franchement ça vaut le détour !
On plonge ?
Cet article a été écrit dans le cadre du programme “Plongeons Portraits” du Plongeoir. Les partenaires rémunèrent le Plongeoir pour ce travail. Tu peux lire ici comment on les sélectionne. On mentionne toujours les partenariats de manière transparente, on ne partage que nos opinions sincères et on s’engage à travailler uniquement avec des boîtes qu’on trouve exceptionnelles. Comme Le Slip Français ;)
Si tu as 15 minutes
Analyser en profondeur l’histoire du Slip Français permet de mieux appréhender les enjeux et défis du made in France.
Au programme :
Constat : l’impact du made in France.
Sujet : pourquoi c’est si dur de produire en France.
Défis : comment le made in France pourrait redevenir la norme ?
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1. Constat 🧐 : l’impact du made in France.
Les grandes personnes aiment les chiffres.
2,4 milliards : vêtements mis sur le marché chaque année en France.
3,3% : pourcentage du made in France dans la consommation française.
0,07% : part de marché que représente le Slip Français, pourtant plus grosse boîte du textile made in France (20M€ de CA sur 26,7Mds€ de marché). Comment on sort de la niche ?
50% : diminution de l’empreinte carbone d’un vêtement produit en France.
30 000 pièces : commande passée par le Slip Français à l’usine Chantelle, à Epernay (plus grosse commande reçue en 30 ans). Une révolution serait-elle en cours ?
Quelques dates
Années 1990 : délocalisation vertigineuse de la production textile française, qui perd les deux tiers de ses effectifs en 20 ans.
1998 : fermeture de l’usine Levi’s à La Bassée (Nord). Elle produisait 22 000 jeans par jour. Aujourd’hui, seuls 100 000 jeans made in France sont produits chaque année, soit 4 jours de prod de cette ancienne usine. Mais si on savait le faire en 1998, pourquoi on ne le referait pas ?
2005 : fin des quotas d’importation qui protégeaient la production textile en France. Pendant les 30 années précédentes, le volume de textile importé était limité. L’import est désormais libéralisé et la concurrence asiatique explose.
2011 : lancement du Slip Français. Ils veulent réinventer avec panache l’industrie textile, en fabriquant à moins de 250km de chez toi. 1083 est un autre super exemple né en 2013 : ils produisent 50 000 jeans par an en France.
2020 : en pleine crise du Covid, plus de 200 millions de masques sont produits par 1400 ateliers français. Une belle collab, qui a redonné confiance à l’industrie textile quant à ses capacités à se réinventer.
Janvier 2023 : la loi AGEC oblige désormais les marques de vêtements à fournir des informations détaillées sur les qualités environnementales des produits vendus en France. Un encouragement ?
2. Sujet 🤓 : Pourquoi c’est dur de produire en France.
La petite histoire : d’une marque de cadeaux à la révolution du made in France.
L’histoire du Slip démarre en 2011, à Paris. Guillaume Gibault a une admiration profonde pour toutes ces boîtes qui font tourner des usines en France. Ça fait vivre des familles entières et ça met en avant cette industrie française dont on est tous fiers, mais qui a tendance à disparaître.
Il veut créer sa boîte, et cherche un produit à fabriquer en France. Les slips ne s’achètent pas encore sur internet, pourquoi pas ?
J’ai trouvé une usine en 17ème page de Google, dans la Dordogne. Dans ma première commande de 600 slips, il y en avait 200 avec des taches et des trous. À ce moment-là je me suis dit que ça serait vraiment dur.
Guillaume, fondateur du Slip Français
Il découvre que la production en France n’est pas toujours synonyme de qualité en 2011. L’industrie textile a beaucoup souffert.
De fil en aiguille, il trouve des entrepreneurs qui veulent relever ce challenge de la qualité made in France. Le Slip Français travaille aujourd’hui avec 80 partenaires dans toute la France.
Franchement quand tu es entrepreneur et que tu as une carte de partenaires comme ça, tu peux être fier non ?
Au départ, il joue sur une identité fraîche et sympa autour du Slip Français. Guillaume est “président du Slip”, et il martèle que pour changer le monde, il faut “commencer par changer de Slip”. Il fait un carton, surtout pour les cadeaux de fête des pères, d’anniversaire ou de Noël.
Cette période, Guillaume la décrit comme la phase de l’enfance. C’était bleu blanc rouge, avec des blagues partout et une très belle croissance. Ça a duré 7-8 ans, jusqu’à atteindre 20M€ de CA et 100 salariés en 2018. La grande classe.
En 2020, le Covid débarque et l’équipe s’attend au pire.
Sauf qu’il se passe un truc dingue à cette période : la France manque de masques. La mission du Slip Français est de “réinventer avec panache l’industrie textile, en fabriquant tous vos produits à moins de 250km de chez vous.” C’est maintenant qu’il faut le prouver ! Ils se mettent à fabriquer des millions de masques localement, et tout le monde se bat à l’unison.
À la fin de la crise du Covid, l’équipe du Slip français est ultra-motivée. Cet engagement pour la filière a beaucoup résonné chez les salariés.
En plus, le e-commerce a très bien fonctionné pendant cette période, et le Slip réalise quasi 25M€ de chiffre d’affaires en 2020 avec un résultat net positif.
C’est aussi le moment où a lieu une très belle rencontre. Léa Marie rejoint Le Slip, d’abord comme directrice industrielle puis comme directrice générale. Avec 20 ans d’expérience industrielle dans la mode, elle connaît parfaitement la production textile.
Quand Guillaume m’a proposé de le rejoindre pour passer le textile made in France à l’échelle, je me suis dit qu’il y avait vraiment un truc de dingue à construire.
Léa, directrice générale, Le Slip Français
Sauf que de nouveau, ça ne va pas se passer comme prévu. En 2021, 2022, et 2023, ils perdent 10% de chiffre d’affaires chaque année. Qu’est-ce qu’il se passe ?
L’équipe du Slip est à un moment charnière.
En 2023, ils n’ont pas le choix : il faut restructurer la boîte. L’équipe passe de 110 salariés à 80. Ils sentent bien qu’ils sont au bord du précipice. Qu’est-ce qu’il faut changer pour éviter que ça ne soit une chute vertigineuse ?
Léa et Guillaume ont alors une réflexion très pragmatique. Il faut trouver le moyen de générer 1M€ de CA supplémentaire autrement.
En vendant des slips à 20 euros et non 40€, ils pourraient toucher une nouvelle cible, celle de marques classiques comme Dim ou Calvin Klein. 1M€ de chiffre d’affaires, c’est 50 000 nouvelles commandes à 20€. Ça semble possible. En tout cas bien plus que de chercher à vendre plus de cadeaux de fête des pères.
On est allés voir tous nos fournisseurs et on leur a dit : c’est simple, on veut vendre un slip à 20 euros au lieu de 40. Je sais bien ce que vous allez penser, mais ne me répondez pas par oui ou par non, posez-vous et donnez-nous juste une quantité de commande nécessaire pour y arriver.
Léa, directrice générale, Le Slip Français
Ce qui est vraiment intéressant avec ce projet, c’est qu’on a l’impression qu’ils ont testé le modèle économique du textile made in France autant que celui du Slip Français.
Les partenaires industriels et l’équipe du Slip ont co-construit le projet et ils ont :
Parié sur des très grosses commandes de matière, pour gagner 25% de coûts. Pour ça, ils se sont limités à 2 références différentes.
Supprimé la cocarde cousue sur le slip, pour tisser le nom de la marque directement sur la ceinture, et gagner 45% des coûts liés à cette étape.
Optimisé le packaging et la logistique, pour économiser 18% de ces coûts.
Investi dans la formation et amélioré la performance des lignes de production pour gagner 22% des coûts de confection.
Diminué leur marge opérationnelle par unité produite en amortissant les coûts de l’équipe sur une commande 50 000 pièces au lieu de 2500.
Au final, ils ont réussi à produire un slip à 20 euros au lieu de 40, sans aucune diminution de qualité.
Maintenant que ces slips étaient commandés, il fallait les vendre, et vite... Le 18 juillet 2023, Le Slip Français lance une campagne de vente sur internet. 3 semaines plus tard, les 50 000 slips sont vendus. Le premier pari est gagné. 1M€ de CA supplémentaire en 3 semaines.
Cette campagne de précommandes était super importante : elle a donné confiance à l’équipe du Slip, et à celles de tous les partenaires. Oui, il est possible de produire du textile à un prix accessible en France.
Forts de ce succès, ils creusent la réflexion. Et si ils reproduisaient l’opération, mais avec encore beaucoup plus d’ambition ?
Ils prennent alors un vrai virage stratégique. Le slip à 20 euros ne sera plus une opération spéciale comme en juillet 2023, mais le modèle économique central du Slip Français.
Ça a pris du temps mais on s’est finalement forgé une conviction : on ne peut pas relancer l’industrie textile française en vendant des slips à 40 euros. Il faut avoir le courage d’assumer un vrai virage stratégique, pour se positionner avec le bon produit, au bon prix.
Guillaume, fondateur du Slip Français
Ils lancent le projet (R)évolution en avril 2024, avec un objectif ambitieux : 400 000 slips vendus à moitié prix cette année. Si ce virage fonctionne, le slip réalisera 8M€ de CA en plus et sera de nouveau sur les rails. Surtout, ils montreront que produire du textile en France peut être accessible.
Une fois que c’était décidé, il a fallu prendre un risque. Un très gros risque. Les partenaires voulaient être sécurisés par de très grosses commandes. 400 000 slips sont commandés, donc 30 000 slips d’un coup à l’usine Chantelle par exemple.
En 30 ans je n’ai jamais reçu une commande de cette taille, c’est du jamais vu. On recrute de nouveau ! Au total, ça fera + 10 couturières depuis 2021.
Delphine, directrice d’usine, Chantelle Epernay
Aujourd’hui (11 juillet 2024) le slip français a vendu 180 000 slips sur les 400 000 visés en 2024. J’adore ce type d’aventures, parce qu’elles donnent foi en cette folie entrepreneuriale à la française.
Pour Guillaume, c’est le passage à l’âge adulte du Slip Français.
S’ils y arrivent, voilà ce qui pourrait se passer :
Le coût de production du textile en France
On se doute que développer une fusée doit être compliqué. Quand on regarde un slip, on se dit que c’est simple. On s’imagine une machine transformer du tissu en slips en 10 secondes. Détrompe-toi ;)
80% du travail est manuel, que cela soit en France, au Portugal ou au Bengladesh, et il est très difficile à automatiser. La différence entre les trois pays ? Le smic français est à 1767€ brut. Au Portugal, c’est 820€, et au Bengladesh, c’est 85€.
La marge opérationnelle du Slip atteint difficilement 8%. Celle des marques les plus connues (Dim, Calvin Klein, etc.) oscille entre 10 et 20%. Ils produisent en Asie et vendent aussi leur slip autour des 20€.
D’un côté, on paie des gens 85€/mois à l’autre bout du monde, et de l’autre on recrute des couturières en France.
Mais alors quelles sont ces étapes de fabrication d’un slip ? Tricotage de la matière, teinture, découpe des éléments dans les rouleaux de tissu (5 pour un boxer), confection (assemblage des empiècements découpés), pose de la ceinture, pose des étiquettes, contrôle qualité… Pas si simple !
La qualité est un défi, pas un acquis.
Mon premier réflexe quand j’ai creusé ce sujet du textile, était de penser qu’on produisait en France pour la qualité. C’est en fait bien plus compliqué que ça.
Il y a 70 ans, la France était à la pointe de l’industrie textile mondiale. Mais quand une industrie perd 80% de son effectif sur 3 générations, la dernière est usée. Comment peut-on rester compétitif, quand le travail quotidien est d’essayer de réduire la voilure pour survivre ?
Aujourd’hui, tout se transforme. Les acteurs de la filière se sont remobilisés et peuvent investir, parce que des marques comme le Slip Français et d’autres remplissent les carnets de commandes.
C’est un cercle vertueux : les usines peuvent investir, donc le prix de vente des produits peut diminuer. Dès lors qu’il s’aligne avec celui des grandes marques qui produisent en Asie, les consommateurs préfèrent acheter français.
Et c’est ainsi que les usines textiles françaises peuvent encore investir pour redevenir compétitives.
3. Défis 🤔 : comment le made in France pourrait redevenir la norme ?
En creusant les enjeux du made in France avec le Slip Français, j’ai cherché à comprendre la recette qui pouvait permettre de remettre du made in France dans tous nos placards.
Produire en France a des avantages business
En voilà une belle surprise : il y a de véritables avantages business à produire du textile en France.
Moins de stock à financer, et plus de réactivité
Produire en Asie n’a pas que des avantages. Prenons le triste exemple d’une boîte comme Camaieu, qui a été liquidée en 2022 en licenciant 2600 salariés. Ils cumulaient deux grosses difficultés :
Un besoin très élevé en cash pour avancer les commandes.
Une réactivité très faible. Lorsque les commandes arrivaient, elles n’étaient déjà plus vraiment adaptées au besoin du moment.
En produisant en Asie, ils devaient acheter pour 10 à 15M€ de stock en avance et leurs problèmes étaient aggravés pas un dollar de plus en plus cher. Et puis comment savoir en avance quels coloris plairont ? Quelle météo il fera ?
Léa, directrice générale, Le Slip Français
En parallèle des difficultés rencontrées par Camaieu ou encore Kookai, le groupe espagnol Inditex (Zara notamment) a réalisé un chiffre d’affaires de 32 milliards d’euros et un bénéfice record de 4 milliards. Leur clef ? Produire en Europe du Sud, et pas en Asie. Ils peuvent multiplier les collections et le besoin de cash est plus faible.
Les marques du made in France ont l’opportunité de pousser cette stratégie gagnante encore plus loin.
Quand Camaieu devaient acheter 12 mois en avance, le Slip Français peut se permettre d’acheter à 3 mois, voire souvent à 1,5 mois. Mieux, ils arrivent régulièrement à vendre avant même d’avoir produit. Par exemple, lors de la précommande de 50 000 slips en 2023 sur internet, ils ont reçu le paiement des consommateurs, puis ont payé leurs partenaires. Ils n’ont même pas eu besoin d’avancer les commandes.
Tout ça n’est possible que parce que la production a lieu en France et qu’il est possible de travailler avec des partenaires industriels réactifs.
Moins de dépenses en marketing
Quand tu achètes un boxer le Slip Français, tu mets le même prix que dans une grande marque connue. Par contre, au lieu d’investir 20% du prix dans du marketing, tu investis dans le développement d’usines en France, et dans le développement d’une mode plus respectueuse de l’environnement.
La production d’un vêtement en France émet 2X moins de CO2 qu’en Asie. Nos produits sont garantis 2 ans et on répare gratuitement en boutique. On peut voir ça comme un coût, mais c’est évidemment une super nouvelle pour la planète, et les clients nous le rendent bien.
Léa, directrice générale du Slip Français
La filière s’entraide
Lorsque j’ai commencé à creuser ce sujet, un truc m’a frappé : la plupart des acteurs s’entraident et travaillent en transparence. C’est assez génial à voir et c’est probablement dû aux difficultés vécues.
Il y a une volonté simple et partagée :
Produire en France pour créer de l’emploi et relancer l’industrie textile.
Permettre une marge suffisante pour tous et un prix le plus accessible possible pour le consommateur.
La concurrence, c’est la production en Asie. Pas une autre usine ou marque made in France.
Ça ne veut pas dire qu’il faut chercher à produire au même coût qu’au Bengladesh bien évidemment. Mais il faut être aussi compétitifs en qualité, et offrir plus de services.
Transparence entre le Slip Français et ses partenaires
Le défi (R)révolution lancé par le Slip Français est une grosse prise de risque pour eux comme pour leurs partenaires : diminuer les prix par deux et parier sur 400 000 pièces vendues, c’est bullish comme on dit aux US. Pour y arriver, il fallait une transparence totale.
Le Slip Français est le plus gros acteur du made in France. Quand ils viennent te voir pour trouver une solution et diviser leurs prix par deux, tu n’as pas trop intérêt à rester dans ton coin. On a repensé toutes les opérations pour les optimiser ensemble.
Delphine, directrice d’usine, Chantelle à Epernay
L’équipe du Slip a aussi lancé sa propre usine (Bonne Nouvelle) en région parisienne. 9000 pièces y sont produites chaque semaine. Ça leur a permis par exemple d’optimiser un maximum le temps de fabrication tout en maintenant le même niveau de qualité. Ils diffusent ces apprentissages en transparence totale à tous leurs partenaires, pour qu’ils puissent aussi tester ces évolutions.
Transparence avec les consommateurs
Le Slip Français explique clairement comment se décomposent leurs prix. Leur but est d’inspirer confiance, parce qu’on pourrait se dire “Au final, est-ce qu’ils ne font pas 40% de marge dans notre dos ?”. La marge opérationnelle visée par le Slip Français est faible (8%).
Transparence entre usines concurrentes
Les différents fournisseurs du Slip Français s’appellent pour confronter leurs idées et trouver des solutions pour réussir collectivement la “(R)évolution” des 400 000 slips à 20€. Ils sont concurrents, mais ces défis sont complexes et ils se disent qu’ils ont tout à gagner à co-écrire la solution. Ces synergies entre concurrents ont un nom : la coopétition.
On se prête même des machines, c’est vraiment sympa. Jamais, mais alors jamais on aurait pu imaginer ça il y a 20 ans. Pourquoi investir chacun 10 000 euros dans une machine qui sert uniquement quelques semaines par an ?
Delphine, directrice d’usine Chantelle à Epernay
Moins mains mieux
Parier sur une industrie qui incite à consommer moins mais mieux est probablement une stratégie commerciale intelligente.
Si tu as le choix entre 30 bouteilles de vin à 1 euro ou 1 bouteille à 30 euros, tu choisiras la bouteille à 30 euros, sauf si tu es alcoolique. C’est la même chose dans la mode. On n’a de moins en moins envie d’être boulimiques de produits bas de gamme.
Le Slip Français l’a bien compris, tout comme 1083, qui réalise 12M€ de chiffre d’affaires en produisant tous ses jeans en France.
Mon objectif à 10 ans n’est pas du tout de faire 30 ou 50M€ de chiffre d’affaires. C’est qu’il se vende moins de jeans en France. On doit acheter moins de jeans, et les garder plus longtemps. 1083 se portera bien dans ce modèle de société puisque nous vendons des produits durables, mais franchement ça n’est pas le principal. La planète se porterait mieux.
Il n’y a pas mieux placé que le made in France pour réussir ce pari. Nous avons une industrie textile de qualité, qui peut produire de manière durable et entretenir localement les produits pour qu’ils durent longtemps.
En plus, le textile de seconde main est en plein boom. 39 % des Français ont acheté un vêtement d’occasion en 2019, contre 15 % en 2009, et le marché mondial de la seconde main grandit de 12 % par an. Plus ce marché se développe, plus les consommateurs y pensent en achetant du neuf : “Est-ce que c’est un produit durable, que je pourrai mieux revendre d’occasion ?”.
L’industrie fait de nouveau rêver
Je suis vraiment heureux que les métiers de production soient de nouveau valorisés. On réembauche dans la couture et on relance des filatures. Beaucoup de métiers créatifs et manuels ne pourront jamais être remplacés par une machine ou une IA.
Je couds depuis que j’ai 6 ans. Plein de gamins rêvent de produire de leurs mains, il faut qu’ils puissent réaliser ce rêve. Crions-le sur tous les toits : c’est possible !
Léa, directrice générale du Slip Français
Ce qui est marrant avec cette histoire, c’est que ce qui était notre principal défaut en France est en train de devenir notre atout numéro 1. Notre smic à 1767 euros brut est l’un des plus élevés au monde, et il nous pousse dans nos retranchements, pour réinventer l’industrie.
Quand les autres pays auront atteint des niveaux sociaux comme les nôtres, on aura pris 15 ans d’avance.
L’usine du futur est en France.
Cette newsletter est propulsée par le Slip Français. Soutiens leur projet (R)évolution, parce que comme dit Guillaume, “pour changer le monde, il faut commencer par changer de slip ;)” :
4. Vocaux 📣 : vision de l’équipe
Guillaume Gibault (Fondateur et Président) et Léa Marie (Directrice Générale), Le Slip Français.
Ce que je retiens du vocal de Léa et Guillaume :
Le quotidien reste chahuté, et on travaille énormément. Le chemin est long, mais c’est que le début de l’histoire.
On a envie de répéter haut et fort que c’est possible de faire un métier manuel en France.
On a besoin de tout le monde : il faut acheter français, il faut partager cette newsletter, il faut passer commande (ici !).
Quand on va en usine, on est fiers de voir toutes les barrières levées depuis 20 ans et l’enthousiasme des équipes. Quand on parle à nos clients et qu’on leur demande en un mot de parler du Slip Français, ils répondent “fierté”.
Delphine Chapelot, Responsable de l’atelier de production d’Epernay, Chantelle
Ce que je retiens du vocal de Delphine :
Le recrutement est la clef pour la suite de l’industrie textile en France.
Il faut redonner envie de coudre, et montrer que c’est possible de vivre d’un travail manuel magnifique.
C’est tout pour aujourd’hui, merci de m’avoir lu jusqu’au bout. J’ai adoré creuser le potentiel de ce textile made in France grâce à l’histoire du Slip Français. J’espère que tu as aussi apprécié.
J’ai deux derniers services à te demander :
Mets un petit like / commentaire avec ton ressenti, ça ne mange pas de pain et ça fait du bien.
Si tu as trouvé cette newsletter utile, partage-la. C’est uniquement comme ça que ce projet grandit.
À très vite,
Bangladesh, % de la population vivant avec moins de 1 dollar par jour:
1990: 42%
2022: 5%
Source: Banque Mondiale
;)
Bravo pour cette news qui résume très bien les enjeux de l’industrie textile ! Ce serait super de compléter le dossier avec une 2eme news plus générale sur le secteur qui connaît de grandes difficultés en ce moment mais qui est aussi en train de se réinventer, par exemple en interviewant l’équipe de Loom qui a créé « en mode climat » qui fédère 600 marques de mode éthique et fait un super travail de lobbying contre la fast fashion, ou encore Patine, We dress fair, Zeta... Bravo en tout cas :)
Ps : petite coquille au premier paragraphe : 3% (et pas 0.07%) de part de marché du Made in France.