Redessiner la ville (2/2)
Pour construire la ville sur la ville, les défis et enjeux sont massifs. On y va !
Hello les plongeurs, voilà la newsletter du Plongeoir #67.
La semaine dernière on a creusé pourquoi il fallait “construire la ville sur la ville” et éviter le gaspillage immobilier. Si tu n’as pas lu le 1er épisode sur l’urbanisme circulaire, c’est par ici.
Aujourd’hui on prend le crayon et on redessine la ville ensemble ;)
Mais avant, reparlons de ce super webinaire “cofonde une boîte pour réinventer la ville” où vous êtes déjà 84 inscrits…
Le partenaire du jour : Urban Odyssey
Urban Odyssey est le start-up studio du groupe immobilier Icade. Depuis 2019, ils ont accompagné 16 startups comme Domani, Terrio et Nagomya.
Ils t’apportent tout pour te lancer (expertise, financement, accès au business d’Icade, accompagnement)
Le 5 février à 13h ils organisent un webinaire passionnant. Au programme :
Présentation de la chaîne de valeur de l’aménagement à l’exploitation.
Focus sur les gros défis dans le secteur immobilier et pourquoi ce secteur peine encore à faire sa transition.
Présentation de l’accompagnement du startup studio Urban Odyssey.
Questions/réponses, super utile pour interroger ces experts :)
Si ce n’est pas déjà fait tu peux aussi :
Rejoindre la communauté Plouf, pour entreprendre et lancer un projet à impact social et/ou environnemental. 120 personnes y sont ;)
Devenir sponsor : Il suffit de répondre à l’email pour en parler.
Lire les précédentes newsletters du Plongeoir.
C’est partiiii
Si tu as 30 secondes
Enjeux 🤔 : Il faut raviver la flamme du collectif. Les espaces deviennent partagés, mais le besoin de propriété individuelle reste fort. Des logements trop grands peuvent être partagés. Les communautés deviennent le centre des projets. Passionnant !
Défis 🤝 : Quels modèles économiques peuvent fonctionner ? Optimiser chaque espace revient souvent à faire du sur-mesure. C’est plus cher, il faut pouvoir passer à l’échelle. Les moyens existent, tout est à construire.
Inspirations 👏 : Plus de 30 inspirations de projets à creuser : tiers lieux innovants, outils pour lancer un projet, entrepreneurs qui réinventent des lieux pour de nouveaux usages…
Idées de boîtes 💥 : Tu peux créer un opérateur innovant, comme une cuisine partagée ou un nouveau modèle de musée. Tu peux aussi développer une IA pour optimiser les projets de réhabilitation, ou chercher à valoriser les stades et autres salles de spectacle lorsque c’est vide ?
Vocaux 📣 : Carine (qui a co-écrit un rapport sur les business models de tiers-lieux), Martin (Slean, expert de la modularité), et Thibaud (Nagomya) nous ont laissé un vocal pour enrichir la lecture.
J’ai co-écrit cette newsletter avec Thibaud Huriez, cofondateur de Nagomya. Leur premier “work village” sera un écrin de nature métro Front Populaire à Paris.
Thibaud et son associé Julian Amar sont à la recherche d'un.e futur.e associé.e avec un profil plutôt immo/archi/asset pour trouver de nouveaux lieux à opérer ;)
Merci aussi à l’habituelle Alice Carré-Seemuller, qui m’aide dans l’écriture de ces plongeons.
On plonge ?
Si tu as 5 minutes
1. Enjeux 🤔 : capitaliser sur le collectif
L’urbanisme circulaire reste une niche pour le moment dans l’immobilier. Comment le généraliser ?
Pour y arriver, il faut que chacun d’entre nous priorise le collectif. Pourquoi ?
Quand on cherche à optimiser les bâtiments, ils deviennent partagés :
Par espaces, quand on a une crèche au RDC, des logements juste au-dessus, des bureaux tout en haut par exemple. Ou quand on a un tiers-lieu ouvert qui mixe sport d’un côté, et coworking de l’autre.
Par créneau horaire, quand un lieu est par exemple dédié au coworking l’après-midi, et qu’il se transforme en salle de restaurant le soir. Ou quand il accueille des entreprises la semaine, et le grand public le week-end.
D’un côté c’est évidemment génial, parce que partager nos espaces rend nos villes plus humaines. On sort de nos bulles et on réduit l’isolement social.
Mais ça génère aussi des défis massifs. Il va forcément y avoir des conflits d’usage, et une gestion de projet plus complexe.
Gérer nos envies de propriété individuelle
Si je résume, on veut une ville où on partage les espaces. Avec par exemple une multiplication de colivings et de coworkings.
Mais d’un autre côté, on rêve tous d’avoir notre propre pavillon avec jardin. Avec la cuisine qu’on veut, le lave-vaisselle qu’on préfère. On veut notre maison individuelle.
Or dans un monde partagé, il faut partager les choix.
Dans un coliving Compose, tu n’es pas propriétaire de ton logement (ni même titulaire d’un bail longue durée). C’est pareil pour les équipements. Tu ne peux pas choisir ta marque de machine à laver par exemple.
Comment gérer ce paradoxe ? Comment créer des projets collectifs qui donnent envie, sachant que l’humain a souvent envie de propriété ?
Le “housing as-a-service” (HaaS), est un total changement de paradigme : privilégier l’usage du logement et des meubles sur leur propriété. Ça a quand même de gros avantages :
Le collectif peut permettre d’investir dans plus de confort. Partager permet souvent de mutualiser les budgets et d’investir plus. On peut bénéficier de mobilier et d’équipements qu’on n’aurait pas osé s’offrir. De l’électroménager haut de gamme et durable, des meubles qualitatifs. C’est le cas chez Compose avec une literie Duvivier par exemple (entreprise du patrimoine vivant Français).
La charge mentale est bien plus faible. La majorité des voitures neuves sont aujourd’hui vendues en leasing plutôt qu’en propriété. C’est financier, mais pas uniquement. Les services sont nombreux, et on réduit la charge mentale de gestion de la voiture.
Le logement et les bureaux peuvent aussi être vus de la même manière. Une personne senior a certainement plus envie d’utiliser son temps de cerveau dispo à profiter de ses enfants et petits enfants, qu’à se casser la tête sur la gestion de la chaudière ou de la Freebox.
Évidemment l’épargne et le besoin d’investir dans son propre logement comptent. Mais peut-être qu’on peut inventer des modèles où les occupants d’un coworking ou d’un coliving investissent aussi dans les murs ?
Partager les logements qui deviennent trop grands
Il faut optimiser le parc de logements, parce qu’il en manque des centaines de milliers. Ce qui se voit gros comme le nez au milieu de la figure, c’est l’anomalie des logements “sous-occupés”.
Pour faire simple, un logement est défini comme sous-occupé quand il a 2-3 pièces de plus que son nombre d’occupants. 5 pièces pour 2 personnes par exemple.
C’est un sujet sensible parce que chacun fait ce qu’il veut de son logement. Ça concerne 8,5 millions de logements. 85% des plus de 65 ans vivent dans des habitations sous-occupées. On parle souvent des 3,1 millions de logements vacants, mais moins de ces 8,5 millions de logements trop grands.
La raison est simple, il peut se passer pas mal de choses dans la vie. On a peut-être vécu le départ des enfants de la maison. On a parfois divorcé, perdu son mari ou sa femme. Il y a 1 000 raisons d’avoir un logement trop grand.
On ne va pas pousser Mémé en dehors du bâti, mais c’est certain que beaucoup de modèles sont à réinventer. Il y a probablement des milliers de personnes qui préféreraient vivre dans un logement “à la bonne taille”. C’est moins cher, et plus simple.
Souvent ces logements trop vides génèrent aussi un manque de lien social, un besoin de rencontres. Tout peut s’aligner pour lancer des projets ?
Les logements intergénérationnels sont une excellente solution. Par exemple Cohabilis permet d’accueillir des étudiants.
WeekAway permet d’accueillir des cadres en travail hybride ou en déplacement.
La colocation senior avec les Pénates se développe, et le coliving intergénérationnel aussi avec Mansiones.
Quand c’est possible et que l’envie est là, c’est souvent malin de partir vivre dans un coliving pour seniors. On peut mutualiser des espaces comme une chambre d’amis, maximiser les rencontres, et diminuer la charge mentale. Un bel exemple est Domani.
L’enjeu est que chacun soit au courant des options. C’est le but de la grosse campagne de comm “Cohabitation solidaire” gérée par Make.org.
Les entrepreneurs du secteur doivent de leur côté rester super attentifs à l’évolution de la société et des besoins de chacun. Quelles sont les transitions personnelles vécues entre 20 et 90 ans ? Quels espaces de rencontres ? Quels espaces personnels ? Quels espaces pour accueillir la famille ou les amis ? Les lieux doivent être adaptables, et permettre à chacun d’évoluer dedans.
Sinon le risque est de mettre la clé sous la porte collective, comme les géants du coliving américain Common ou encore Quarters. Ils avaient tout misé sur des formats de grandes résidences, en décalage avec les attentes des gens.
Il faut aussi faire très attention aux dérives avec le coliving. Certains projets ne servent qu’à échapper à la réglementation sur le logement (spéculation financière, concurrence avec le logement social, contribution à la crise immobilière, etc.). Il faut lancer un coliving pour les bonnes raisons.
Remettre la communauté au centre des projets
Les espaces existants construits pour un seul usage ne sont plus du tout sexy. C’est le cas des grands immeubles de bureaux excentrés par exemple. Il faut les rendre plus désirables et faire évoluer les imaginaires.
Je crois beaucoup au potentiel des communautés.
Si tu vas te balader dans un Climbing District (salle d’escalade), tu vas vite te rendre compte qu’il existe la “family” Climbing District. On a le sentiment que la convivialité importe au moins autant que le plaisir de la grimpe. Certains viennent sur place sans même y faire de l’escalade, parce que le concept combine activités sportives et culture, bien-être, services de proximité, et coworking.
En fait Climbing district a été très visionnaire : ils ont parié sur la communauté plus que sur l’escalade. Voilà pourquoi tu peux y réparer un vélo ou y trouver un marché bio. Ça paraît délirant, mais c’est simplement parce qu’ils ont tiré le fil de ce dont avait besoin leur communauté.
À l’échelle de la ville, cet aspect communautaire s’appelle le “Place-making”, qu’on peut traduire par “fabrique de l’espace public”.
Basé sur l’engagement d’une grosse communauté, le Millenium Park de Chicago a ouvert en 2004. Il est devenu un haut lieu culturel, artistique et architectural.
La ville de La Riche (Indre-et-Loire) a aussi décidé d’impliquer les habitants et a lancé une consultation en ligne pour choisir le lieu d’une forêt urbaine.
La clef pour un espace public comme privé qui mixe de nombreuses activités est donc de se poser la question : quelles communautés vont venir ici, et comment co-construire avec elles selon leurs envies ? L’Ademe vient par exemple de publier un excellent article pour repenser la ville via la communauté “enfants”.
Le sponsor du jour : Urban Odyssey
Pour creuser le thème de l’urbanisme circulaire, inscris-toi au webinaire “Co-fonde une boîte pour réinventer la ville” mercredi 5 février à 13h avec le startup studio Urban Odyssey. Ça va être juste passionnant, et c’est par ici.
Si tu as 10 minutes de plus
Si tu as 10 minutes de plus, je te propose :
Défis 🤝 : Le passage à l’échelle des modèles économiques.
Inspirations 👏 : Plus de 35 inspirations de projets, outils et ressources.
Idées de boîtes 💥 : 3 exemples de boîtes à creuser.
Vocaux 📣 : Carine, Martin et Thibaud nous ont gâtés !
Oups, cet e-mail sera coupé avant la fin. Lis-le directement dans ton navigateur 👇
2. Défis 🤝 : Le passage à l’échelle des modèles économiques
Le problème avec l’urbanisme circulaire, c’est que c’est du sur-mesure.
77% des colivings sont réalisés à partir d’un bâti existant qui est réhabilité. C’est rarement un projet qui part d’une feuille blanche. C’est pareil pour les tiers-lieux. Tant mieux, parce que le but est justement de réemployer des bâtiments existants.
Mais le problème, c’est que ces projets restent chers, et leurs modèles économiques sont parfois fragiles. Pourquoi ? Rien n’est standardisé. Il faut réaliser plus d’économies d’échelle ?
Créer des économies d’échelle
Chaque bâtiment est unique. C’est super dur d’avoir une logique de “produit” à répliquer. Il faut s’adapter à chaque contexte réglementaire, chaque ville, chaque PLU (Plan Local d’Urbanisme). Il faut s’adapter techniquement à chaque cas précis.
La phase amont des études de faisabilité est longue, complexe, et coûteuse. Avec un questionnement sur le financement : est-ce à l’opérateur de payer pour toute cette phase ? Au propriétaire ? À l’aménageur ? Aux acteurs publics qui préfèrent qu’on réemploie plutôt qu’on construise du neuf ?
Alors comment créer des économies d’échelle pour que les projets soient rentables ?
Déjà, il existe de plus en plus d’outils pour favoriser le repérage détaillé du terrain.
Beaucoup de startups ont développé des logiciels de veille pour trouver le bon foncier, Lokimo, Explore, Kel Foncier…
Les pouvoirs publics ont créé de nombreuses solutions, majoritairement en open data. La Base de données nationale des bâtiments (BDNB) offre une cartographie très détaillée du parc de bâtiments existants. Le Portail de l’Artificialisation des sols propose des données utiles sur l'artificialisation des sols.
GoRénove 2 éclaire les décisions de rénovation énergétique des bâtiments.
Cartofriches, Mutafriches et UrbanVitaliz aident les porteurs de projets de reconversion de friches…
Ensuite, si chaque projet est unique, la conduite de projet peut être modélisée et dupliquée d’un site à l’autre :
Le leader français de l’habitat partagé Colonies a ouvert 2 300 projets dans 17 villes et 3 pays (France, Belgique, Allemagne). Ils ont forcément pu réaliser quelques économies d’échelle.
Des acteurs spécialisés accompagnent les porteurs de projets pour leur faire bénéficier de leur expérience et donc d’économies d’échelle. C’est le cas des conseils de Plateau Urbain sur l’urbanisme transitoire ou de France Tiers-Lieux sur l’ingénierie.
Des ressources dingues sont produites pour prototyper les projets. Je te laisse cliquer sur les liens pour creuser la reconversion de friches, les projets d’urbanisme transitoire, ou la création de tiers-lieux.
Pour créer des économies d’échelle, il ne faut pas oublier non plus de parier sur le temps long. Avec des solutions réversibles et modulables on réalise des économies d’échelle sur le long terme. Imaginons que les besoins évoluent, il sera possible de transformer les espaces à bas coût. Par contre, l'immobilier réversible coûte plus cher au départ.
Adapter les modèles économiques
Le bail classique de l’immobilier professionnel est le bail 3-6-9, qui engage sur 3, 6 ou 9 ans. Il faut pourtant beaucoup plus de flexibilité pour adapter l’immobilier aux besoins du moment.
Il existe des solutions plus souples et adaptées :
Changer la façon de posséder et de gérer un lieu. Par exemple :
La ville peut porter le projet en gestion globale et directe, ou bien mettre en location l’espace à court terme à des boîtes ou assos pour tester des idées avant de s’engager à long terme sur un projet.
Un propriétaire privé peut partager la gestion avec une association locale pour inclure les habitants dans le projet et créer un esprit de communauté.
Une société créée spécialement pour le projet peut rassembler tous les acteurs publics et privés pour travailler ensemble.
Adapter les contrats. Au lieu de s’engager sur des baux longs ou compliqués, on peut utiliser des contrats flexibles qui permettent de partager les revenus ou les coûts. Par exemple :
Si un espace est loué à une startup ou à une asso, le loyer peut être ajusté en fonction de son chiffre d’affaires. C’est l’idée derrière des modèles comme "profit and share".
Un "contrat de gestion" peut déléguer la responsabilité à un expert qui s’assure que le lieu fonctionne bien. Ça peut être utile s’il y a pas mal d’acteurs engagés sur le lieu. Il peut organiser les locations, entretenir l’espace, etc.
Créer de la valeur en pensant au reste de l’espace. Parfois, un lieu n’a pas besoin d’être rentable en lui-même. Il peut être utile en transmettant de la rentabilité à d’autres espaces.
Imagine un rez-de-chaussée de salle de coworking qui sert de café. Parfois ça n’est pas un espace rentable en soi, mais il attire du monde et rentabilise le reste des étages.
Tu peux appliquer cette réflexion à pas mal d’espaces. Un tiers-lieu peut attirer plus de monde dans un quartier et lui redonner de la valeur. Ces effets positifs (appelés "externalités") rendent le lieu intéressant et peuvent parfois justifier des subventions ou de l’investissement même si le lieu ne rapporte pas directement.
Partager la valeur. Il faut que tout le monde profite de ces nouveaux projets.
Par exemple, la SNCF a proposé à des artistes d’utiliser des bâtiments ferroviaires abandonnés pour des projets artistiques. Le problème ? Ils devaient abandonner leurs droits d’auteur, en plus de financer la réhabilitation de l’espace, de payer une redevance etc. Ça avait provoqué un tollé. La SNCF voulait mener grand train, mais pas dans les règles de l’art.
Le projet des grands voisins à Paris a été un tiers lieu qui a très bien fonctionné. Mais des polémiques existent sur le partage de la valeur entre acteurs (voir page 60 ici).
Parier sur le soutien public
Le cadre légal a quand même souvent freiné les reconversions, au profit du neuf. Changer l’usage d’un bâtiment était super difficile, et les PLU étaient rigides.
Tout est en train de changer, le soutien public se renforce.
2013 : La loi ALUR accompagne la lutte contre les logements vacants avec des incitations fiscales et un dispositif de réquisition.
2017 : Expérimentation du "Permis de Faire". On peut déroger à certaines règles d’urbanisme pour encourager la modularité et la réversibilité des bâtiments.
2018 : Lancement du Plan National pour les Tiers-Lieux. L’Etat investit 110M€ avec l’objectif de créer 300 Fabriques de Territoires. Ouverture de La REcyclerie (18e) et de la Cité Fertile.
2018 aussi : Loi Elan : dispositifs pour faciliter les transformations, bonus de constructibilité de 30%.
2020 : La loi Économie Circulaire encourage la réversibilité dans la construction, le réemploi des matériaux, et le recyclage.
2020 : Le Plan France Relance investit 130M€ dans le développement des tiers-lieux. Un fonds pour la reconversion des friches de 300 M€ est créé.
2021 : La loi Climat et Résilience fixe l’objectif Zéro Artificialisation Nette (ZAN) à l’horizon 2050, avec un objectif intermédiaire de réduction de 50 % d’ici 2031. Les bâtiments dont le permis de construire est déposé après le 1er janvier 2023 font l’objet avant leur construction d’une étude de potentiel de réversibilité.
Les collectivités sont de plus en plus à l’initiative.
C’est important, parce que ça fait beaucoup bouger les lignes.
Elles sont impliquées directement dans des projets :
Pour les reconversions de friches, 90% des projets sont portés par des acteurs publics.
Pour les tiers-lieux, 83% ont des partenariats avec les acteurs publics, 16% hébergent un service public et 14% sont à l’initiative d’une collectivité.
Elles encouragent l’innovation juridique au profit de projets innovants :
En 2023, sur la base du “permis d’innover” de la loi Elan, le premier permis de construire sans affectation de France a été déposé et autorisé à Bordeaux pour le projet réversible TEBIO.
Les tiers-lieux sont le lieu d’une grande créativité juridique pour garantir la préservation des communs, avec le consentement des pouvoirs publics : charte de co-construction et SCIC (foncière anti-spéculative) pour la Baraka à Roubaix, propriété d’usage pour la Déviation à Marseille.
Des mesures fiscales sont aussi mobilisées par les collectivités pour favoriser la sobriété foncière.
À l’avenir, la fiscalité pourrait inciter à une meilleure adéquation entre la taille d’un logement et son nombre d’occupants tout au long de sa vie. La taxe d’habitation est plus élevée sur les résidences secondaires, elle pourrait le devenir si le logement est trop vide.
Sur le modèle de la tarification progressive de l’eau expérimentée dans plusieurs communes, une tarification progressive des m2 permettrait par exemple de considérer les m2 non comme une marchandise dont le prix diminue avec le volume, mais comme une ressource à préserver et économiser.
3. Inspirations supplémentaires 👏
On t’a déjà parlé de nombreuses initiatives dans ces deux newsletters sur l’urbanisme circulaire. On ne va pas toutes les rassembler ici, mais voici une petite liste d’inspirations à creuser.
Corporate innovants
Office Convertor (CBRE) : permet d’identifier les immeubles de bureaux pour lesquels un changement d’usage présente un intérêt pour son propriétaire.
Urban Odyssey (Icade) : start-up studio dédié à la ville 2050. Clairement utile pour le passage de 0 à 1 dans le secteur de l'immo où les barrières à l'entrée sont nombreuses.
Novaxia : foncière de recyclage urbain. Ils pratiquent “l’urbanisme transitoire” sur certains de leurs lieux lors de changement de locataire ou de destination. Ils mettent alors à dispo les lieux à des prix dérisoires (voire gratuit) pour accueillir des structures à impact. Ils ont une team dédiée à ça. C'est une opportunité si tu veux tester un projet.
AG2R : le Groupe soutient localement Kawaa à Paris, un café solidaire et créateur de lien social situé dans le 12e arrondissement. À Lyon, il s’agit de Chez Daddy, café intergénérationnel ouvert à tous dont les moments de partage luttent durablement contre l’isolement des personnes âgées. À Lille, le Groupe est partenaire du Bus Magique, péniche conviviale et participative amarrée à l’entrée de la Citadelle. On peut également citer le tiers-lieu Paquita à Nîmes, installé dans un Ehpad, ou encore Chez EVA à Massy, Les Nouvelles Grisettes à Pérols, la Maison de la Santé et du Citoyen à Furdenheim.
Immobilier solidaire
Plateaux Urbains : coopérative d’immobilier solidaire et d’urbanisme transitoire et temporaire. Ils proposent notamment des espaces de travail abordables, et de l’hébergement d’urgence.
Base Commune : foncière solidaire. Ils achètent des rez-de-chaussée pour les louer à prix abordables à des acteurs de l’économie sociale et solidaire, des artisans, des artistes.
Atelier Murmure : bourse aux locaux pour faciliter l’installation d’acteurs à impact.
Éditeurs de lieux
Ces acteurs sont super intéressants pour comprendre comment on crée une programmation utile et profitable sur un lieu. Il faut s’inspirer de leur agenda et de leur expérience.
Sinny & Ooko : créateur et gestionnaire de tiers-lieux, spécialisés dans des espaces hybrides mêlant culture, écologie et convivialité, tels que La REcyclerie ou Le Pavillon des Canaux.
Cultplace : agence spécialisée dans la création, la gestion et l'animation de tiers-lieux culturels, tels que La Rotonde ou La Bellevilloise.
Ps : Dessine-moi un tiers-lieu est un super podcast avec toutes les étapes à suivre pour lancer un tiers lieu dans le domaine social et médico-social.
Opérateurs innovants
Certains acteurs sont super inspirants via leur vision et leur créativité pour réenchanter des espaces.
Climbing District : recycler des chapelles ou cinémas pour en faire des salles d’escalade.
Ivy Nest : coliving dans des maisons de maître en périphérie de villes. Ces maisons devenues trop grandes pour leurs propriétaires deviennent le lieu parfait pour du coliving entre jeunes.
Nagomya : ils conçoivent des bureaux-tiers-lieux multi-usage. Le premier lieu est ouvert sur la nature avec des matériaux biosourcés (terre crue, bois,...) au pied du métro 12 parisien. Leur fondateur Thibaud a co-écrit cette newsletter ;)
La Casa: coliving pour jeunes actifs (29 ans de moyenne) dans des pavillons en périphérie de grandes villes.
Mamie Baby : micro crèches intergénérationnelles, pour mixer inclusion, partage, mieux vieillir et mieux grandir.
Palomano : ils ont développé 5 micro parcs à thèmes pour enfants. Ce sont de vraies aventures familiales, qu’il est possible de développer dans des bâtiments inutilisés.
Startups de prospection foncière
Pour trouver des lieux à adapter, il existe de nombreux outils développés par des startups.
Bionatics : logiciels de planification, développement, gestion patrimoniale des collectivités, aménagement urbain.
Lokimo : logiciel qui récupère les milliers de données immobilières d’un territoire, pour l’IA et dédié à la prospection foncière et à l’évaluation des opportunités de projets immobiliers
Explore : solution de veille immobilière qui permet d’accéder à un ensemble complet de données pour la prospection foncière.
Kelfoncier : application web de prospection foncière à destination des promoteurs. Autres : Promolead, Urbanease.
Outils proposés par les pouvoirs publics
Ce qui coûte cher en développement, c'est de chiffrer le coût. Encore plus en rénovation. Pour ça il faut des bureaux d'études, des économistes de la construction, des architectes. Il faut faire des "études de faisabilité" pour savoir si un concept peut fonctionner sur un lieu.
Si tu es entrepreneur, il faut que tu maîtrises un maximum tous les outils gratuits et open source qui peuvent réduire ces coûts. Connaître le DPE d'un lieu peut faire gagner beaucoup de temps et d'argent car les études coûtent cher par exemple.
Cartofriches : dispositif conçu pour recenser les friches et aider les porteurs de projet à localiser et caractériser les friches. Plus de 11 000 friches sont actuellement répertoriées.
Otelo : outil d’estimation des besoins en logements dans les territoires.
UrbanVitaliz : plateforme numérique conçue pour accompagner les collectivités de manière personnalisée dans leurs projets de réhabilitation de friches.
Urban Simul National : identifier les réserves foncières en offrant une visualisation 3D des unités foncières constructibles.
Portail Artificialisation : site internet qui dispose des données utiles sur l'artificialisation des sols, une foire aux questions sur le sujet, un panorama des bases de données disponibles, des outils et méthodes de lutte contre l’artificialisation.
Go Rénove Particuliers : pour avoir le DPE de n’importe quelle adresse.
Base de données nationale des bâtiments (BDNB) : cartographie du parc de bâtiments existants, construite par croisement géospatial d’une vingtaine de bases de données issues d’organismes publics. Carte d'identité pour plus de 2,34 millions de groupes de bâtiment à l’échelle de la France métropolitaine. Elle donne plus de 400 infos, volumes, surfaces, hauteurs des bâtiments, mais aussi les usages hébergés, les matériaux et les équipements techniques, les consommations et la performance énergétiques, des données administratives et économiques, etc.
Tiers-Lieux à connaître :
Tabakfabrik : incubateur de créativité dans l’ex usine de tabac Gauloises / Gitanes d’Orleans.
La Recyclerie : tiers lieu édité par Sinny et Okko, à Paris 18.
La Cité Fertile : 1 ha dédié à la ville durable. Restaurant, sensibilisation, évènements.
Le Serre : tiers lieu prometteur dans le secteur de l’agriculture, dans la vallée de la Chrevreuse.
La cartoucherie : tiers lieu sympa à Toulouse. Salle de spectacle, bureaux, coworking, évènements.
Minimistan à Grenoble : ancien couvent aujourd'hui devenu lieu de vie et d'expérimentation dynamique : bar, cantine, coworking, lieu d'exposition, hackerspace et bientôt coliving.
4. Idées de boîtes 💥
Thibaud (qui a coécrit) a passé de longs mois à creuser tous les projets potentiels à lancer. Voici quelques idées de boites qui sont sorties de notre conversation.
Opérateurs innovants
Le principe est simple : tu réfléchis à un besoin des habitants en local, et tu trouves un lieu à optimiser pour le développer. Ex : Palomano a développé des micro parcs de jeux pour enfants.
Et si tu lançais un modèle de cuisines à partager ? On a rarement tout le matos pour cuisiner comme des pros.
Tu pourrais proposer à des familles ou amis de se retrouver pour cuisiner ensemble dans une cuisine pro, puis déguster le repas sur de grandes tables. Une sorte de cuisine Top Chef comme alternative à une sortie restaurant ? Tu pourrais utiliser les cuisines de restaurants d’entreprise fermés le soir ?
il pourrait y avoir plusieurs groupes / familles qui cuisinent et mangent en même temps. Une sorte de refuge avec des grandes tablées et des cuisines pour chaque groupe ?
Cette réflexion de mutualiser des espaces qu’on n’a pas chez soi ne s’arrête pas à la cuisine. Une mini salle ciné à louer pour regarder un film en famille ou entre amis ? Une salle de jeux pour accueillir des enfants lors d’un goûter d’anniversaire ?
Musées en rez-de-chaussée : Martin en parle dans son vocal plus bas, mais il y a beaucoup à faire pour dynamiser le rez-de-chaussée de sièges d’entreprises.
Ouvrir cet espace au public et proposer un musée, une expo par exemple ? Cela peut ouvrir la boîte sur l’extérieur, et enrichir la culture de l’entreprise.
Pourquoi ne pas créer une boîte qui s’occupe de gérer ces espaces pour les entreprises ? Il faut faire attention aux défis engendrés par l’ouverture au public, donc ça peut être une vraie expertise à développer.
Utiliser l’IA pour optimiser la ville
L’Intelligence Artificielle pourrait aider à réduire le gaspillage immobilier. Les données sont souvent assez structurées, ce qui est nécessaire dans ce type de projet. Attention cependant : l’impact de l’IA sur l’environnement est massif. Le projet doit vraiment avoir un impact social et environnemental très fort.
Dégrossir un projet de réhabilitation. Tu peux utiliser l’IA pour estimer en grosses mailles le potentiel.
Aujourd’hui si tu trouves un hangar vide disponible pour ton projet, c’est très cher d’estimer le coût de la réhabilitation. Un architecte facturera 10-20K€ pour te faire une première estimation de coûts. Imagine que tu analyses 3 lieux différents, ça peut vite devenir impossible à suivre.
Tu pourrais utiliser les données de DPE, de PLU, les informations fournies, et proposer un premier projet potentiel par IA. Tu pourrais aussi analyser l’impact carbone du projet, parce que parfois ça peut devenir contre intuitif et plus polluant que le neuf.
Le business model pourrait être de vendre aux architectes, pour qu’ils puissent baisser le coût d’accès à la première estimation.
Faciliter l’accès aux appels d’offres. Chaque ville ou collectivité a des lieux dispos pour des projets. Des hangars vides, des friches inutilisées.
Des appels d’offres sont régulièrement déposés. Peut-être développer une plateforme pour faciliter la mise en relation entre porteurs de projets et collectivités ?
Optimiser des lieux vides la majorité du temps
L’optimisation des lieux dans le temps est intéressante.
Prenons l’exemple d’un stade, vide une grande partie du temps. Peut-être qu’on pourrait l’utiliser pour organiser des salons ou évènements plutôt que de construire de nouveaux espaces ?
C’est pareil pour de très nombreux espaces : amphithéâtres, salles de spectacles, écoles, collèges, lycées, gymnases, etc.
Si cofonder une boîte sur le secteur t’intéresse, n’oublie pas de te joindre au webinaire “Cofonder une boite pour réinventer la ville” le 5/02 à 13h, avec Urban Odyssey.
5. Vocaux 📣
Carine (Racine Commune), Thibaud (Nagomya), et Martin (Slean), nous ont laissé un petit vocal pour enrichir la conversation sur l’urbanisme circulaire.
Carine Sit est fondatrice de Racine Commune. Elle est à l’origine de ce rapport passionnant sur le business model des tiers lieux.
Ce que je retiens :
Il faut parler aux acteurs déjà engagés dans le sujet et dans la zone géographique concernée. Ça permet d'affiner le positionnement du projet, son ambition et le dimensionnement du lieu.
Les subventions peuvent être financières ou en nature, comme la mise à disposition de locaux. Les revenus peuvent provenir de la location, de prestations de services ou d'une offre de restauration. En tout cas préparer un business model solide est essentiel.
Il faut chercher un accès à l'immobilier abordable pour minimiser les risques et les investissements. Les promoteurs peuvent avoir des lieux vides. Ils cherchent à les valoriser.
Martin Sauer est cofondateur de Slean, une boîte qui développe notamment des cloisons modulaires pour rendre les bureaux adaptables.
Ce que je retiens :
L'évolutivité est essentielle pour les bâtiments, qui doivent s'adapter aux changements d'usages et de modes de travail sur le long terme. L'approche actuelle de conception de bâtiments est souvent trop court terme alors que les bâtiments sont construits pour durer.
On ne pense pas assez aux besoins du quartier pour enrichir l’expérience dans un immeuble. Imagine un musée dans le rez-de-chaussée du siège d’une boîte. Génial pour le public comme pour la culture de l’entreprise.
Les enjeux techniques, notamment les systèmes de fluides (eau, évacuations), sont un frein à la réversibilité des espaces. Il est difficile de changer la fonction d'un espace (par exemple, passer de bureaux à logements) sans les installations techniques appropriées. Les contraintes réglementaires et de sécurité sont aussi des obstacles.
Thibaud Huriez est cofondateur de Nagomya et il a co-écrit cette newsletter.
Ce que je retiens :
Pour se lancer dans l'immobilier en tant qu'opérateur, il ne faut pas lancer un gros projet trop vite, surtout sans notoriété.
Il faut plutôt travailler son modèle économique et réaliser un POC (Proof of Concept) pour démontrer l'attractivité de son concept.
Il faut identifier des acteurs ayant besoin d'exploitants sur des lieux en transition ou en changement d'usage.
On n’y pense pas assez ensuite, mais c’est super important de travailler sa marque et l'expérience client. Surtout si on veut attirer beaucoup de monde dans les locaux.
Voilà, c’est terminé pour aujourd’hui. Merci de nous avoir lus jusqu’au bout.
🙏 Énorme merci à Thibaud et à Alice pour la coécriture.
Merci aussi à Pierre et sa super newsletter, il m’aide à communiquer ce contenu au plus grand nombre, notamment par Linkedin.
J’ai deux derniers services à te demander :
Mets un petit like / commentaire avec ton ressenti :)
Si tu as trouvé cette newsletter utile, partage-la. C’est uniquement comme ça que ce projet grandit.
À très vite,
oh wow! je travaille dans une des entreprises citées dans ta newsletter !
Petite rectif : "Tabakfabrik : incubateur de créativité dans l’ex usine de tabac Gauloises / Gitanes d’Orleans." s'appelle le Moule à Gaufres (mouleagaufres.com) Mais l'idée est là!
Je suis toujours très inspirée par ce que tu partages. Merci merci pour ce moment de fierté !
Merci Guillaume pour l'ensemble de ces éléments.
Ici, le bon lien vers l'outil de l'ADEME "Mutuafriches" : https://librairie.ademe.fr/urbanisme-territoires-et-sols/7241-evaluer-la-mutabilite-des-friches-outil-mutafriches.html