Montagne : tout schuss vers le futur
La neige va manquer, toute une économie doit être réinventée. Des pionniers trouvent de nouvelles pistes pour nos stations.
Hello les plongeurs, voilà la newsletter du Plongeoir #63.
Aujourd’hui on plonge dans le futur de nos belles montagnes.
Mais avant j’ai une petite colle pour toi. Est-ce que tu sais quel est le principal enjeu de la voiture électrique ? Notre sponsor du jour y répond :)
Le sponsor du jour : Jool
La voiture électrique, c’est bien.
Mais le principal enjeu, c’est de réduire le nombre de voitures. Pour ça, il faut les partager.
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Go !
Si ce n’est pas déjà fait tu peux aussi :
Devenir sponsor : Il suffit de répondre à l’email pour en parler. Prochaine dispo : 14 mars ;)
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C’est partiiii
Si tu as 1 minute
Constat 🧐 : Le climat se réchauffe deux fois plus vite en montagne, et les fermetures de stations s’enchaînent. Comment imaginer un nouveau futur pour ces stations de moyenne montagne ? Les pistes existent ;)
Sujet 🤓 : Les fragilités économiques et sociales se multiplient. Rien ne pourra être aussi rentable que le ski, et il faut anticiper pour ne pas devoir tout transformer dans l’urgence. Certaines stations sont pionnières, et leur transition est fascinante à décrypter.
Défis 🤔 : Sans vouloir remuer le bâton dans la plaie, Il faut se bouger pour réduire l’impact du ski. Il faut en particulier agir pour protéger l’eau et la biodiversité. Comment ensuite réinventer les sports d’hiver ? Comment utiliser la montagne pour générer des déclics, voire devenir un refuge bioclimatique demain ? C’est passionnant !
J’ai coécrit cette newsletter avec Guillaume de Lustrac. Il a parcouru 300 stations des Alpes en vélo au printemps 2024. Il a rencontré celles et ceux qui font la montagne et a créé un podcast, et un film. La bande-annonce est canon, la voici ! Il propose des conférences pour en parler. Merci à lui :)
Merci aussi à l’habituelle Alice Carré-Seemuller, qui m’aide dans l’écriture de ces plongeons ;)
On plonge ?
Si tu as 15 minutes
Au programme :
Constat : Le ski sur la corde raide.
Sujet : Le ski, colosse aux pieds fragiles.
Défis : Repenser notre vision de la montagne.
Oups, cet e-mail sera coupé avant la fin. Lis-le directement dans ton navigateur ici 👇
1. Constat 🧐 : Le ski sur la corde raide.
Les grandes personnes aiment les chiffres.
2e : classement mondial de la France en tourisme ski, juste derrière les US. Ça diminue par contre en mode piste verte (54 millions de journées skieur en 2022, contre 58 millions en 2009). Pourquoi ?
3,6% des Français vont au ski. Le ski coûte très cher. 1 450 € en moyenne par semaine pour 2 adultes et 2 enfants. Sans transport, sans alimentation, et sans vin chaud.
82% : part du ski dans le revenu touristique de la montagne en France. Aie, belle dépendance. Et c’est solide sur le long terme ?
186 domaines skiables ont déjà fermé en France. 3 stations se sont arrêtées définitivement depuis le printemps (Grand Puy, le Tanet et Notre Dame du Pré) et une 4e reste sur la sellette (l’Alpe du Grand Serre). Des stations fermeront chaque année, et voilà peut-être les 20 plus vulnérables.
Pourquoi ça chauffe ?
2X : Le réchauffement est deux fois plus rapide en montagne. Les températures ont déjà augmenté de +2 °C au cours du 20ᵉ siècle dans les Alpes et Pyrénées, contre +1,4 °C dans le reste de la France.
-50% : La hauteur moyenne du manteau neigeux a diminué de moitié selon Météo France depuis les années 1960 à 1 500 m d’altitude. C’est -25% depuis les années 80. Les glaciers ont perdu 70% de leur volume depuis 1 850. Ça fait froid dans le dos.
« La montagne rend visible l’invisible »
Valérie Paumier, Résilience Montagne
C’est la fin du ski ?
C’est en tout cas la fin du “tout ski” pour de nombreuses stations de moyenne montagne.
Comme toujours il faut éviter de faire trop de raccourcis :
On pourra toujours dévaler une pente de poudreuse en 2050. Mais ça deviendra une exception et ça sera très très cher. Seules 24 stations seraient skiables en 2100 (toutes dans les Alpes).
Certaines stations ont fermé pour d’autres raisons que la baisse de quantité de neige. La station de Saint Honoré n’a jamais vu le jour à cause de détournements de fonds par exemple.
On a de plus en plus de données pour prévoir la suite. Climsnow fait des simulations d’enneigement domaine par domaine et piste par piste.
Le vrai sujet, c’est comment s’adapter par le haut et non par le bas. La tête haute, et avec fierté. Comment on utilise les revenus du ski pour financer la transition vers un nouveau modèle qui fait rêver tous les acteurs de la montagne ?
« Entre le tout ski et le ski bashing, il y a une troisième voie équilibrée. »
Marina Ferrari, Ministre déléguée chargée de l'Économie du tourisme
Quelques dates
1924 : Les 1ers JO d’hiver ont lieu à Chamonix. On a aussi eu Grenoble en 1968 et Albertville en 1992. 100 ans plus tard, la France est de nouveau sélectionnée pour les JO 2030 dans les Alpes… De nombreuses épreuves auront lieu en dessous de 2 000 m d’altitude. Y aura-t-il de la neige aux JO ?
Années 30 : Lancement des stations de « 1ère génération » à basse ou moyenne altitude (ex : Megève, Chamonix, La Clusaz, Serre Chevalier)
Après-guerre : Stations de “2e génération” créées spécifiquement pour le ski à plus haute altitude (ex : Courchevel, Alpe d’Huez/Deux Alpes).
1964 : Lancement du Plan Neige. Objectif : développer le tourisme hivernal de masse.
1964-77 : Passage à l’échelle industrielle avec la construction de 23 stations de « 3e génération » (ex : Tignes, Les Arcs 1600, Avoriaz, Val Thorens). On crée 150 000 lits !
1977 : Coup d’arrêt du Plan Neige avec le discours de Vallouise de Valéry Giscard-d’Estaing pour « une montagne vivante, active et protégée ». On lance des stations de « 4e génération » en s’inspirant des codes des villages traditionnels (ex : Valmorel, Valloire, Les Arcs 1800)
1979 : Les Bronzés font du ski renforcent l’image du ski. Pas du prénom Jean Claude.
2022 : Plan Avenir montagnes, avec 650M€ d’aides à la clé. Objectif transition !
2024 : Le Vercors décide d’arrêter définitivement la grande traversée du Vercors en ski nordique. Les fermetures de stations se succèdent. Au Grand Bornand on se borne encore à organiser la coupe du monde de biathlon en amenant la neige par camions sur place. C’était déjà le cas pour la Coupe 2022 qui avait nécessité de transporter 24 000 m3 de neige.
Michel Blanc n’est plus, les Bronzés ne font plus de ski, l’or blanc devient rare. Te reverrai-je, pays merveilleux ?
Évidemment ! On chausse les peaux de phoque, on remonte la pente, et on construit de nouveaux imaginaires pour notre magnifique montagne ?
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2. Sujet 🤓 : Le ski, colosse aux pieds fragiles.
Fragilité économique
82% du business touristique de la montagne vient du ski. Alors quand le ski ralentit et que ça n’est pas anticipé, c’est compliqué.
Une minorité de stations va super bien :
C’est le cas des domaines de haute altitude les plus renommés, comme Les 3 Vallées. Ces stations attirent en majorité des étrangers fortunés. Même s’ils auront aussi moins de neige, elle sera toujours présente et encore plus valorisée. L’économie de ces stations n’est pas fragile. Chaque année le prix des forfaits prend 3 à 7%.
Avoriaz a dû par exemple fermer la vente de forfait dès 11h l’hiver dernier, le domaine skiable étant saturé. 2 visions s’affrontent pour réguler le nombre de skieurs : la limitation quantitative (comme l’Alpe d’Huez qui envisage la mise en place de quotas) et la limitation financière par le prix des forfaits.
95% des stations françaises n’ont pas cette chance. La dépendance aux subventions est de 28% pour les stations qui font moins de 10 M€ de chiffre d’affaires.
Leur problème, c’est que la saison de neige raccourcit. Elle durait 4 mois avant, c’est souvent 3 aujourd’hui.
Il y a deux possibilités pour ces stations :
Faire l’autruche : attendre encore un peu et en profiter un max tant que c’est possible. Au risque de devenir un jour une station fantôme. Comme sur cette carte.
Faire l’aigle : développer une belle vision, réagir vite, et profiter de la manne financière du ski pour financer la transition.
Pour le moment c’est souvent l’autruche qui gagne. La plupart des stations continuent les campagnes de pub mettant en avant des paysages enneigés et des gerbes de poudreuses sous un ciel bleu. Comme une boule à neige posée au-dessus du feu de cheminée.
Gérer une transition en urgence est pourtant compliqué. C’est ce qu’il se passe à l’Alpe du Grand Serre. La station a fermé, puis réouvert pour 1 an. Elle fermera probablement en 2025.
Ce qui est fou, c’est que cette station est à 1300m avec des pistes jusqu’à 2200m d’altitude. On se parle des Alpes du Nord, proche de Grenoble.
“La rapidité du réchauffement climatique nous met au pied du mur, et la décision d’ouvrir une seule année supplémentaire nous oblige à trouver des solutions à très court terme.
La fermeture aurait signifié la fermeture de l’ensemble de nos commerces, restaurants et bars, le départ des socio-professionnels, des artisans et de leurs familles, la fermeture des colonies de vacances et l’effondrement de nos agriculteurs et éleveurs, presque tous pluriactifs ou tirant des revenus de l’attractivité touristique du territoire.”
Mais alors pourquoi on ne transforme pas les stations plus tôt ?
Rien ne sera aussi générateur de revenu que le ski aujourd’hui. Ils doivent accepter de lâcher la proie pour l’ombre. C’est une nouvelle aventure à inventer de toutes pièces, qui peut faire très peur.
Pour le moment les plans de diversification créent des revenus dérisoires en face de ceux du ski. La station des Gets a par exemple pris le virage depuis 30 ans : VTT de descente, parc aqualudique, spa, parc nocturne interactif, luge sur rail, parc acrobatique en hauteur, golf, etc.
Ces activités ne sont pas toujours rentables. Mais c’est le bon chemin. Il est toujours difficile de prendre du recul, surtout avec des chaussures de ski. Mais c’est peut-être une chance d’avoir le ski pour financer cette transition. Pour le moment.
Certaines petites stations deviennent associatives. Des bénévoles ouvrent la station quand la neige est là, comme à Dolleren dans les Vosges. 3 pistes, 2 téléskis, un forfait à 9€/jour pour les enfants et 14€ pour les adultes. C’est pareil à Saint Hilaire en Chartreuse. Tellement plus joyeux qu’une station fantôme !
Métabief est un autre exemple souvent cité quand on parle de la transition des stations. C’est la plus grosse station du Jura. Ils ont bien vu que la neige diminuait, alors ils ont pris les devants.
Ils s’y sont pris en 4 étapes :
Expliquer. Tout le monde a besoin de cheminer et de comprendre les véritables enjeux, l’évolution du climat, les prévisions futures. Il faut des ateliers, du dialogue.
Rêver. Tous les acteurs du territoire ont dialogué pour écrire comment Metabief pourrait devenir une station renommée toute l’année dans un monde réchauffé.
Investir dans la transition. Ils ont par exemple décidé d’investir dans de nouveaux itinéraires de randonnée avec des bâtiments dédiés, dans le vélo, ou la luge sur rails.
Réduire les investissements ski. Le domaine est toujours ouvert, mais la station investit dans la maintenance des remontées mécaniques plus que dans leur renouvellement. Cet article passionnant décrit toute leur stratégie. Ils ont décidé récemment de fermer 30% du domaine. C’était la partie la moins fréquentée, trop chère à maintenir. Paradoxalement, c’est ce type de station qui agit le plus tôt qui pourra garder le domaine skiable ouvert le plus longtemps, grâce à un modèle plus robuste.
“Soit on modernise, soit on ne modernise pas les équipements. En 2015 lorsque j’accède à la présidence de ce syndicat, c’est 24 millions d’euros d’investissement qui nous sont proposés, dont 15 millions dans 2 remontées mécaniques. Avec une durée de vie très courte. On a bien fait de ne pas se précipiter, parce qu’aujourd’hui on aurait l’air fin.”
Philippe Alpy, président du syndicat mixte du Mont d’Or (station de Metabief)
Ces décisions sont difficiles à prendre. Mais c’est beaucoup plus simple quand on a décidé tous ensemble du futur qu’on vise.
C’est ce qui m’inspire le plus dans la démarche Metabief. Il ne faut surtout rien copier / coller dans d’autres stations, chaque territoire est unique. Mais leur démarche collective pour atterrir sur un plan et embarquer tout le monde est magnifique.
Métabief a finalement inventé ce qu’on peut appeler “Une station de montagne à visée régénérative”. Ils sont intervenus plusieurs fois à la CEC. Petit coucou à nos deux dernières newsletters ;)
Fragilité immobilière
Depuis le Plan Neige dans les années 60, le développement des stations est lié à celui des remontées mécaniques et de l’immobilier.
L’immobilier permet de faire venir beaucoup de monde à la montagne. Ça permet de financer des gros projets de remontées mécaniques. Pour rentabiliser ces projets on a besoin d’encore plus de visiteurs, donc… d’immobilier. La boucle est bouclée. Ça fait boule de neige.
Le problème est que les logements en station sont vieillissants :
La plupart sont utilisés moins de 4 semaines par an. L’augmentation des prix des logements a poussé les locaux vers les vallées (cf image édifiante de l’INSEE). 31% des logements en montagne sont des passoires thermiques (le double de la moyenne française).
L’interdiction de louer en 2034 les logements les plus énergivores est une épée de Damoclès. Sans rénovation, 76 % des appartements et chalets de montagne seraient interdits à la location en 2034. Oups.
Mais va-t-on vraiment financer la rénovation énergétique de milliers de logements dans des zones touristiques dont l’avenir reste flou pour le moment ?
Que va-t-on faire de ces logements ? En plus de ça, ces immeubles ne sont pas très adaptés à une utilisation d’été. Ils n’ont souvent pas de balcon par exemple.
Il va falloir trouver des idées ;)
Fragilité sociale
Un des plus gros freins à la transition de la montagne est lié à l’histoire humaine. Lorsque tout le monde se retrouve dos au mur, les tensions en station peuvent être vraiment fortes.
Ces villages de quelques centaines ou milliers d’âmes se sont souvent bâtis autour de l’héritage du ski. C’est toute leur identité qui est en jeu. Parfois, ce sont les grands-parents qui ont ouvert la station, les parents qui ont placé le village sur la carte de France, et aujourd’hui c’est à la génération actuelle de décider de fermer ou non la station.
En plus, la population doit souvent se réinventer un métier. Beaucoup de jobs sont déjà précaires. 79 % des 18 300 salariés des remontées mécaniques sont des saisonniers par exemple.
Certains métiers sont menacés dans beaucoup de stations, comme les dameurs ou les moniteurs de ski. Difficile de vendre un métier d’avenir aux jeunes quand le ski est menacé à moyen terme.
De quoi déplanter le bâton ?
Des solutions se développent entre régions pour créer des contrats à l’année comme les contrats ski/mer. On appelle ça le CD2I.
Il faudra surtout trouver de nouveaux emplois à la montagne en dehors du ski. C’est déjà le cas pour beaucoup de moniteurs, qui sont en parallèle agriculteurs, ou qui travaillent dans le BTP. Finalement cette pluri-activité pourrait devenir une force pour eux. Cette flexibilité leur permettra de s’adapter plus vite.
Pour réaliser la transition d’une station, il faut aussi l’aide du territoire.
« Les solutions ne viendront pas sur le périmètre de la station. Elles émergeront sur le territoire tout entier. »
Olivier Erard, responsable du pôle d'ingénierie de la transition, Métabief.
La capacité de transformation de ces montagnards peut changer la donne. La génération actuelle peut marquer l’histoire autant que les précédentes.
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3. Défis 🤔 : Repenser notre vision de la montagne.
On l’aura compris : chaque station est différente. Il ne peut pas y avoir de solution magique adaptable à toutes. Certains défis sont quand même communs.
Diminuer l’empreinte carbone des stations
L’impact carbone d’une journée de ski est d’environ 50 kgCO2e par jour.
Le transport en représente la moitié. Voilà quelques projets inspirants mis en place en station :
Tignes a arrêté de promouvoir la station en dehors de l’Europe, pour limiter l’arrivée en avion.
Tignes et Val d’Isère ont mis en place des flottes de navettes locales électriques.
C’est assez surprenant, mais les touristes à la journée ont un impact assez élevé. Ils viennent plusieurs fois par an des vallées d’Annecy ou Grenoble. De plus en plus de stations font la promotion du covoiturage et du train.
L’empreinte des collectivités est le deuxième poste après le transport (17% ). Serre Chevalier est souvent citée en exemple pour leur engagement dans l’énergie verte.
Le troisième impact est l’équipement de ski (16%). Des marques sont pionnières de vêtements de glisse écologiques, notamment Picture. Campsider démocratise de son côté le matériel outdoor d’occasion.
3% de l’empreinte carbone est liée au domaine skiable. C’est très peu. Les dameuses de la Compagnie des Alpes tournent à l’huile de friture produite sur leurs parcs d’attractions (ex : Parc Asterix). Chaque pas en avant est utile donc il faut s’en réjouir, mais c’est plus anecdotique.
Pour réduire son impact, le premier levier de La Compagnie des Alpes serait de réduire la proportion de touristes qui arrivent de loin. Il ne faut surtout pas que d’autres touristes arrivent en avion dans ces stations, séduits par des dameuses écolos ;)
Le label Flocon Vert aide les stations à cadrer leur transition. C’est bien plus large qu’uniquement le carbone d’ailleurs, et ça récompense les stations les plus engagées d’un à trois flocons.
Protéger l’eau et la biodiversité
Ça n’est pas l’impact carbone d’une semaine au ski qui fragilise le plus la montagne. C’est l’impact sur l’eau et la biodiversité.
« Les sports d'hiver constituent le mode de tourisme le plus dévastateur du point de vue écologique. Ils ont provoqué l'artificialisation d'environ 3 400 km2 de paysages sauvages de l'arc alpin ».
L’impact des canons à neige
40% des pistes françaises bénéficient de canons à neige pour sécuriser leur domaine. Et 99% des stations en utilisent, c’est indispensable pour elles aujourd’hui.
Le problème est que la neige de culture est en concurrence avec les autres usages de l’eau en montagne : eau potable, agriculture, hydroélectricité…
Et le changement climatique n’aide pas. Il réduit la quantité d’eau disponible.
À Embrun par exemple, la sécheresse a augmenté de près de 50 % depuis 1970. Pas par manque de précipitations, mais juste parce qu’il fait plus chaud. L’eau s’évapore du sol et les plantes transpirent davantage. Cette évapotranspiration des plantes a augmenté de 10% dans les Alpes en 30 ans.
Comme on manque de plus en plus d’eau douce, on peut comprendre que les projets de captation d’eau pour les canons à neige énervent un peu. La justice a donné raison aux parties civiles contre de nombreux projets de retenues collinaires. C’était le cas à la Clusaz. La mairie voulait supprimer 8 ha de forêt et créer une retenue d’eau de 3 ha. L’objectif : “sauver le ski pour les 30 prochaines années”.
Biodiversité
Les montagnes sont un refuge de biodiversité qui accueille 85% des espèces d’amphibiens, oiseaux et mammifères.
La montagne représente 10% de l’artificialisation des terres en France entre 2009 et 2019. 7,1% des forêts de montagne ont disparu entre 2000 et 2018.
Les projets touristiques ont parfois fait feu de tout bois. À nous de nous chauffer pour résoudre ces défis et créer des projets qui régénèrent la biodiversité en montagne ?
Il y a quand même de bonnes nouvelles :
L’asso Mountain Wilderness a contribué à l'introduction dans la loi Montagne 2 (2016) d'un amendement « Installations obsolètes ». Aujourd’hui si tu veux construire une remontée mécanique, tu t’engages à la démonter en fin d'exploitation. Bon, ça ne concerne que ce qui a été construit depuis 2016 mais c’est déjà ça.
Bourg Saint Maurice a décidé en 2020 un moratoire sur les constructions neuves dans la station des Arcs pour protéger la biodiversité.
Les projets de revégétalisation des pistes de ski se multiplient, comme la restauration de la tourbière du Plan de l’Eau aux Ménuires. Ils permettent de réduire les impacts sur la biodiversité voire de restaurer certains écosystèmes.
Créer des refuges climatiques en montagne
En repartant d’une page blanche (désolé pour le mauvais jeu de mots), que pourrait-on dessiner dans les stations de basse altitude ?
La montagne est de plus en plus plébiscitée par celles et ceux qui veulent vivre en connexion avec la nature, dans un environnement plus frais.
“Nos stations peuvent devenir des refuges bioclimatiques et jouer un rôle essentiel dans le monde de demain. En tant qu’îlots de fraîcheur lors des étés caniculaires, et en tant que porte ouverte sur des espaces sauvages pour des populations qui ont besoin de reconnecter avec la nature.”
Certaines stations commencent à parier là-dessus, comme Megève.
“Venez pour la vue, restez pour la vie.” C’est leur nouvelle campagne de comm. Et si le futur du tourisme dans les stations de moyenne montagne était de devenir un lieu de vie à l’année pour plus de monde ?
Innover dans les sports d’hiver
As-tu déjà remarqué ce qu’il se passe quand une personne qui prenait beaucoup de place dans une équipe s’en va ? Le jour où elle part, des personnalités se dévoilent, et des projets incroyables naissent.
Et si le ralentissement du ski alpin laissait apparaître cette créativité humaine ?
Au fur et à mesure de l’augmentation du prix des forfaits, le prix d’une journée de guide de montagne partagé avec un groupe va devenir plus accessible. C’est tellement incroyable de partir 3 jours en ski de rando ou en raquettes coupés du monde. J’y retourne en mars ;)
"Un ski nomade, opportuniste et frugal, s’est développé de façon spectaculaire hors des domaines skiables aménagés”.
”En renouant avec l’histoire du ski comme moyen de déplacement et d’ascension, il permet une très forte réactivité vis-à-vis des fluctuations de l’enneigement tout en répondant à un imaginaire buissonnier de la montagne plus que jamais d’actualité."
Philippe Bourdeau, professeur à l’institut de Géographie Alpine
Notre créativité peut être illimitée : randonnée nordique, raquettes, biathlon, trail hivernal, fat bike, marche nordique, chiens de traîneau.
Ces activités s’adaptent facilement aux variations d’enneigement et se complètent. Tout comme des fans de mer peuvent passer du paddle au kitesurf ou au surf en fonction des conditions de vent et de vagues.
Pour rendre la montagne de demain désirable, il faut aussi décorréler le combo montagne = ski…voire montagne = neige dans la tête de tout le monde :
Qui veut prendre des leçons de “non-ski” avec un ‘“moniteur de non-ski” ? C’est ce que propose la campagne “NoSki Instructor” de Austria Tourism. Pour attirer ceux qui recherchent l’aventure ou la relaxation en dehors des pistes, des clips font la promo de randos d’hiver, de sauna, de bain de glace, d’expérience culinaire et même de sommeil réparateur.
Les Estables dans le Massif central a misé sur la luge 4 saisons.
Certains se concentrent sur la culture et le patrimoine. C’est le pari du Mont-Dore.
“La diversification de nos activités doit s’intensifier, et nous ne parlons même plus de 4 saisons, puisque nous pouvons faire du VTT ou de l’escalade en plein mois de janvier, tout comme faire du ski de rando fin novembre ou en avril.”
3,6% des Français vont au ski aujourd’hui, cela sera probablement 1% bientôt. Mais alors pourquoi ne pas se concentrer sur le fait de concevoir des projets dans des stations de montagne pour les 99% restants ?
Utiliser la montagne pour générer le déclic
À Chamonix, le projet touristique de la Mer de Glace a divisé la population. Il y avait les partisans du “tourisme de la dernière chance” censé sensibiliser in extremis au changement climatique. Et les dénonciateurs d’un projet “macabre” à l’heure où le glacier agonise.
“Propices à un éco-tourisme pédagogique, les territoires de montagne peuvent jouer un rôle dans l’évolution des mentalités vers plus de sobriété et de respect des écosystèmes.”
Rapport du Shift project
Les “montagnards” sont une population hyper résiliente. Ils sont en lien permanent avec la nature et sont très attachés à sa protection.
Ils peuvent être d’excellents témoins pour générer le changement dans la société. C’est beaucoup plus rapide d’embarquer les populations locales comme les touristes dans la transition quand l’impact est visible au quotidien.
Les changements sont visibles : un lac qui se réchauffe depuis des décennies, modification de l’enneigement et ses multiples conséquences, épicéas attaqués par le bostryche, apiculture sous tension, alpages jaunis, biodiversité en souffrance.
NADINE WENDLING Maire de Neuvecelle (Haute-Savoie), Vice-Présidente de la Communauté de communes Pays d’Evian Vallée d’Abondance
Et si une station se développait autour de l’accompagnement au changement :
Une station qui soit inspirante en elle-même dans son approche, comme Metabief.
Un modèle économique autour de l’accueil de séminaires d’entreprise, de scolaires, d’accueil d’évènements.
Des formations toute l’année autour de la transition des métiers en montagne, de la transition des modèles économiques.
Il pourrait y avoir tout un écosystème d’entreprises nouvelles à créer dans cet esprit. Ces lieux seraient construits autour d’une montagne qu’on laisse tranquille et qu’on préserve.
Ça donne envie de s’impliquer sur le futur de la montagne tout ça !
Voilà, c’est terminé pour aujourd’hui. Merci de nous avoir lus jusqu’au bout.
🙏 Énorme merci à Guillaume et à Alice pour la coécriture.
Merci aussi à Pierre et sa super newsletter, il m’aide à communiquer ce contenu au plus grand nombre, notamment par Linkedin.
On se retrouve vendredi prochain.
J’ai deux derniers services à te demander :
Mets un petit like / commentaire avec ton ressenti :)
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À très vite,
Merci pour cet article ! Les Stations de la Drôme sont également en pleine mutation (comme la plupart des stations de moyenne montagne). Depuis une dizaine d'années leur plan stratégique a beaucoup évolué vers le développement de stations 4 saisons. Pour autant, au vu de l'accélération du dérèglement climatique, du réchauffement mais aussi de la vétusté des logements, de la crise économique (qui fait que les familles n'ont pas les moyens financiers d'aller à la montagne), bref.... le plan stratégique des Stations de la Drôme est en pleine mouvance depuis 1 ou 2 ans pour pouvoir mieux répondre au constat qu'elles doivent absolument transiter vers un autre modèle que la neige. Une des solutions est bien entendu le developpement des chemins de randonnées comme évoqué dans ton article Guillaume, mais aussi la mise en place d'activités de pleine nature indoor en collaboration avec des musées par exemple. Et puis les Stations de la Drôme se penchent sur la nécessité de regarder de plus prés le patrimoine vivant environnant pour développer des activités.Plusieurs articles, que j'ai écrit sur le sujet, sont à lire (pour ceux qui veulent en savoir plus) sur les hors-série Montagne 2023 et 2024 de Bref Eco.
Et sinon....mon homme vient juste de me dire de demander à Tony Parker comment il compte s'y prendre pour développer Villard de Lans (une station qui souffre également de l'enseignement) qu'il a vraisemblablement investi il y a quelques années...
Merci! Très inspirant! 2 statistiques ont retenu mon attention: seulement 3,6% de français partent au ski! Donc oui, une des solutions de ne plus attirer les riches étrangers est clé! Et 76% des apparts/chalet seraient non-louables passé 2034…aiee, que faire? Faire passer une loi spéciale pour permettre aux stations de toujours générer des revenus? Ou ne louer qu’à la belle saison? Subventionner la rénovation (mais sachant qu’il faut mettre des quotas partout)..un bon sujet systémique! 😂 merci sinon pour le super travail inspirant…rendez-vous en 2025!