Hello, voilà la newsletter du Plongeoir #20. On est désormais 8200. Merci !
Quand on regarde cette photo, on se croirait au cœur d’un film de science fiction. Mais non, ce projet est bien réel : ClimeWorks veut capturer 36 000 tonnes de CO2/an en Islande. Leur objectif est même 1 milliard de tonnes en 2050, 3 fois les émissions françaises de 2023.
Alors, solution magique ou usine à gaz inutile ?
Ce plongeon est propulsé par Asterion Ventures. C’est un fonds d'un très gros niveau, qui réunit une communauté de business angels solides et soudés, et investit sur le long terme dans des entrepreneurs à impact. J'échange souvent avec leur équipe, et ils sont très précieux pour préparer mes sujets. Merci la team ;)
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Constat 🧐 : 5 à 16 milliards de tonnes de CO2 devront être éliminées de l’atmosphère chaque année à partir de 2050. Deux moyens existent : la nature (plantation d’arbres, agriculture), et les technologies de captation du CO2. L’objectif fixé par le GIEC est de capturer 1 milliard de tonnes de CO2 par an dès 2050 via les DAC “Direct Air Capture”. Est-ce que cette technologie peut compléter la nature pour nous aider à capturer assez de CO2 ? En tous cas, les entrepreneurs et les investisseurs y croient. En 2022, le montant des levées de fonds dans les DAC a bondi de 600%.
Sujet 🤓 : Les DAC (Direct Air Capture) sont des maxi aspirateurs à CO2. Ils utilisent de grands ventilateurs pour capturer le CO2 de l'air avec des substances appelées sorbents. Ensuite ils les chauffent pour libérer le CO2, qui est ensuite compressé et réutilisé ou stocké sous terre.
Enjeux 🤔 : Il faut installer les DAC là où l’énergie renouvelable est illimitée, et ne rentre pas en concurrence avec les besoins locaux. Le stockage du CO2 sous terre est un enjeu majeur : il faut s’assurer qu’il n’y ait aucune fuite. En France, le focus est surtout de collecter le CO2 directement en sortie d’usine. Des projets sont prévus sur 50 gros sites industriels.
Allez, on plonge ?
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Au programme :
Constat : il faut retirer du CO2 de l’atmosphère.
Sujet : ça marche comment ?
Enjeux : comment se faire son propre avis ?
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1. Constat 🧐 : il faut retirer du CO2 de l’atmosphère.
Les scientifiques sont unanimes : pour ralentir le réchauffement climatique, il faut réduire drastiquement les émissions de CO2, mais aussi en capturer de l’atmosphère.
Les grandes personnes aiment les chiffres
5 à 16 milliards : tonnes de CO2 qu’il va falloir retirer de l’atmosphère chaque année à partir de 2050 selon le GIEC. Deux moyens existent : la nature (plantation d’arbres, agriculture), et des technologies de captation du CO2.
4,7 millions d’hectares : surface boisée qu’on perd chaque année dans le monde (moyenne 2010-2020). On a beau planter des millions d’arbres, il y en a de moins en moins chaque année. Aie, il va falloir parier sur d’autres chevaux en parallèle.
3,5 milliards : tonnes de CO2 supplémentaires qu’on pourrait stocker dans le sol via de l’agriculture régénératrice. Il faudrait transformer toute l’agriculture mondiale, alors que la météo se dérègle. Important mais tout comme pour la forêt, il ne faut pas compter que là dessus.
1 milliard : tonnes de CO2 qu’on pourrait capter via des technologies de capture du CO2 de l’air. L’idée est de compléter les puits de carbone naturels (forêts, agriculture, océans). Est-ce que cette technologie peut compléter la nature pour nous aider à capturer assez de CO2 ?
Les définitions
La DAC (Direct Air Capture) est une technologie qui utilise des machines pour capturer le dioxyde de carbone (CO2) directement dans l'air ambiant. Une fois capturé, ce CO2 peut être stocké sous terre, ou réutilisé (fabrication de carburants synthétiques, boissons gazeuses ou production agricole en serres). DAC, c’est compris.
Le CCUS (Capture du Carbone, Utilisation et Stockage) permet de récupérer le CO2 en sortie d’une usine pour éviter qu’il ne parte dans l’atmosphère. Comme pour la DAC, le CO2 est ensuite enfoui sous terre, ou réutilisé.
Quelques dates
Années 1970 : Invention de la technologie CCUS pour récupérer du CO2 des usines. Déjà engagés pour le climat ? Perdu : l’objectif était de pouvoir envoyer du CO2 dans le sol pour booster l'extraction pétrolière.
2009 : création de Carbon Engineering (USA) et de Climeworks (Suisse), premières startups majeures de DAC.
2021 : lancement de “Orca” en Islande par Climeworks. Le CO2 capturé est injecté dans le sous sol volcanique, où il se minéralise rapidement en roche.
2022 : 18 usines de DAC étaient en fonctionnement. C’est encore de l’expérimentation. Au total, elles ont éliminé 100 000 tonnes de CO2.
2023 : Carbon Engineering est racheté par Occidental Petroleum (Oxy), une compagnie pétrolière américaine. Pour capturer du CO2 ou booster l’extraction ?
2030 : l’IEA (Agence internationale de l’énergie) vise 100 millions de tonnes de CO2 capturées. Il va falloir une montée en puissance dingue : x 10 000.
Le momentum
Qui dit croissance effrénée nécessaire poussée par les gouvernements et le GIEC, dit gros appétit des entrepreneurs et des investisseurs. En 2022, le montant des levées de fonds dans les DAC a bondi de 600%.
Sujet 🤓 : ça marche comment ?
Les DAC sont comme des maxi aspirateurs à CO2 de l’air. Démontons-en un pour voir comment ça fonctionne à l’intérieur :
Des ventilateurs font circuler de gros volumes d'air, pour mettre le CO2 au contact d'une substance : le sorbent.
Il existe différents types de sorbents : certains sont solides (ex Climeworks) et d’autres liquides (ex Carbon Engineering). Leur objectif est simple : capturer les molécules de CO2.
Le CO2 est désormais capturé, mais il est coincé dans le sorbent. Pour le libérer, il faut le chauffer fortement (80 à 200 degrés selon les technologies). On appelle cette phase la régénération.
Une fois récupéré, le CO2 est mis sous pression.
Il est ensuite mis en bouteilles pour être réutilisé dans d’autres industries (carburants, ciments, boissons, serres), ou envoyé dans des camions, bateaux, ou tuyaux, pour être enfoui en sous sol.
Il faut beaucoup d’électricité et de chaleur pour que le système fonctionne. La raison principale, c’est que la concentration de CO2 dans l'air est de 0,04%. Une aiguille dans une botte de foin.
Et les CCUS ? Ceux qu’on met au postérieur des usines ? Le principe est le même, mais c’est plus simple : l’air est plus concentré en CO2 en sortie d’usine que dans l’air.
Enjeux 🤔 : comment se faire son propre avis ?
L’énergie est la clef de voûte
L'installation de DAC la plus connue au monde se trouve en Islande. Il s’agit de l’usine Orca, qui a été inaugurée en 2021 par Climeworks. Elle utilise l’abondante énergie géothermique (du sol) pour capturer le CO2.
Elle consomme 2 à 3 MWh d’énergie pour capturer une tonne de CO2. Ca ne te parle sûrement pas trop, mais tu te souviens de l’objectif de 2030 pour les DAC ? 100 millions de tonnes de CO2 capturées en une année.
Et bien il faudrait 200 à 300 TWh d’électricité. C’est la moitié de la consommation électrique de l’Allemagne.
En plus, toute cette électricité doit évidemment être renouvelable, et ne doit surtout pas entrer en concurrence avec un autre besoin en énergie. Sinon, on fait deux pas en avant et un pas et demi en arrière. Construire un projet de DAC en France ou en Allemagne serait une hérésie par exemple.
Chaque projet nouveau d’énergie renouvelable en Europe ou aux US doit servir à décarboner nos économies, pas à capturer du CO2 de l’air. N’oublions pas qu’on doit d’abord réduire les émissions.
Alors qu’est ce qu’il faut faire ?
Installer les DAC là où l’énergie renouvelable est illimitée. Sirona est une startup belge de DAC créée en 2023. Ils ont décidé de parier sur le Kenya et visent un déploiement rapide. Octavia Carbon (startup kényane) y construit déjà une première usine. Positionné au niveau de l’équateur, le Kenya peut fournir une énergie renouvelable en quantité massive, qui ne rentre pas en concurrence avec ses besoins locaux.
Inventer de nouvelles technologies de DAC moins consommatrices d’énergie. Les premiers projets comme Climeworks et Carbon Engineering ne sont pas assez efficaces, mais ils ont le mérité d’avoir enclenché le mouvement. Les dernières technologies présentées par les startups créées présagent de très fortes économies d’énergie. C’est le cas de Greenlyte Carbon Technologies, Parallel Carbon, ou Maia en France, lancée par Aurélie Gonzales.
Comment peut-on assurer un stockage sous la terre ?
Quand on entend tous ces projets qui se multiplient pour envoyer du CO2 sous la terre, on peut se poser plein de questions. Comment s’assurer que le gaz restera bien emprisonné dans le sous sol ?
Reprenons Orca, le projet de Climeworks en Islande. Le CO2 est envoyé en sous sol et est injecté dans de l’eau et du basalte. Il réagit chimiquement pour créer un solide stable qui peut rester là pendant des siècles : le carbonate de calcium. C’est aussi l’objectif des projets au Kénya, parce que le sous sol de la Valley du Rift est composé de Basalte. Ce mode de stockage solide est idéal, parce qu’il permet de s’assurer que le CO2 ne bougera pas.
Mais la plupart du temps, le CO2 est plutôt envoyé tel quel dans des cavités :
Aquifères salins : couches d'eau salée souterraines non potables qui peuvent absorber de grandes quantités de CO2.
Gisements de pétrole et de gaz épuisés : espaces laissés par l'extraction de pétrole ou de gaz. L’idée est de profiter de l'infrastructure existante pour l'injection de CO2.
Pourquoi il faut faire attention :
Des fuites de CO2 seraient catastrophiques. Il faut viser uniquement les cavités parfaitement imperméables, et surveiller régulièrement. Notamment lorsqu’il y a des risques sismiques ou des mouvements géologiques.
Les acteurs du pétrole ont tout intérêt à utiliser la DAC pour justifier de leurs extractions. Occidental Petroleum veut l’utiliser pour compenser les émissions de CO2 associées au forage, au raffinage et même à la combustion du pétrole. Accroche-toi bien, ils ont même appelé ce pétrole “Net Zero Oil”.
Comme les cavités générées par l’extraction du pétrole servent à y mettre du CO2, elles deviennent “utiles”. Certains pétroliers pourraient justifier de nouveaux projets d’extraction par un projet de DAC. Une vraie économie circulaire cette industrie pétrolière 🙃. C’est d’autant plus complexe que les DAC ont besoin d’expertise pour comprendre comment envoyer le CO2 en sous sol. Ce sont souvent les pétroliers qui ont les réponses.
La France veut décarboner ses usines
En France, il n’y a pas d’intérêt à lancer des usines de DAC. Il vaut mieux garder notre énergie renouvelable pour décarboner notre économie. Le gouvernement français veut capturer le CO2 émis par nos 50 plus gros sites industriels, avec des CCUS (la captation du CO2 sur le lieu de l’usine).
Pourquoi c’est intéressant :
Le but est de décarboner l’industrie française de 37% d’ici 2030. C’est pas mal, “l’air” de rien. D’ici 2030, le focus sera fait sur Dunkerque, Fos sur mer et Le Havre. Le stockage du CO2 capturé sera envoyé dans les sous sol de la mer du Nord.
Pourquoi il faut faire attention :
Attention aux objectifs trop ambitieux : le potentiel est limité en France. L’objectif du gouvernement de stocker 4 à 8 millions de tonnes de CO2 par an d’ici 2030 est difficilement imaginable selon le Haut Conseil Climat.
Il ne faut pas que cette stratégie se fasse au détriment de la réduction des émissions. Surtout que La France met en place des subventions pour ces CCUS. C’est un peu comme avec la voiture électrique. Il faut à la fois électrifier et réduire, mais si on subventionne l’électrique et qu’on multiplie le nombre de voitures c’est inutile.
Les CCUS vont nous faire perde 15 ans de décarbonation de l’économie. Au lieu de la transformer, on va patienter.
Pierre Gilbert, sur LinkedinAttention aux lieux de stockage en mer du Nord et Méditéranée : comment s’assurer de leur imperméabilité ?
Le gouvernement explique qu’il sera attentif à ce que le CCUS ne serve qu’à réduire les émissions incompressibles. Les industriels s’engagent à réduire de 45% au total leurs émissions d’ici 2030. Affaire à suivre…
C’est tout pour aujourd’hui, merci de m’avoir lu jusqu’au bout.
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À très vite,
Guillaume
Première lecture sur Le Plongeoir, je ne suis pas déçu ! Merci pour cet article éclairant.
Enfin une vulgarisation accessible sur le sujet du stockage de CO2 ! Bravo pour le taf !