Plongeon dans les océans (2/2)
Les océans couvrent 70% de la surface du globe. Ils pourraient capter des milliards de tonnes de CO2. On passe à l'action ?
Hello, voilà la newsletter du Plongeoir #14.
On est 6922. C’est 6922 fois plus que le nombre d’habitants à Rochefourchat, dans la Drôme (1 habitant).
Trêve de rêvasseries, bienvenue aux 290 plongeurs qui nous ont rejoints depuis vendredi. Que tu me lises depuis septembre ou depuis hier : merci !
Ce plongeon est propulsé par Imagination Machine. Si tu cherches à lancer une boîte et que tu veux être accompagné(e) par les meilleurs, fais-leur signe. Ils sont passionnés par le futur des océans et cherchent des experts et partenaires : retrouve la vision de Rob (cofondateur) dans son vocal de 2min tout en bas👇.
Vous êtes déjà 9900 à avoir lu le 1er épisode sur le stockage carbone des océans. Si tu ne l’as pas lu, plonge ici. Aujourd’hui on passe à l’action ensemble (offres de jobs, idées de boites à lancer, feedbacks vocaux d’entrepreneurs).
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C’est partiiii
Si tu fais une pause café (30 sec de lecture)
Rappel 🧐 : Les océans absorbent déjà 30 % du CO2 que nous émettons chaque année. Certains projets pourraient éliminer des millions de tonnes de carbone de l’atmosphère.
Jobs ☝️ : + de 20 offres de jobs dans la séquestration carbone des océans, partout dans le monde. Plus qu’à te servir.
Idées de boites 💥 : Les différentes technologies inventées posent de nombreuses questions et sont loin de faire l’unanimité. Le grand public et les entreprises sont méfiants. Les crédits carbone sont souvent accusés de greenwashing, et les preuves des nouvelles technologies de captation de CO2 des océans sont encore faibles. Il faut développer les outils de MRV (Monitoring, Reporting, Verification) pour recréer plus de confiance, et supprimer les conflits d’intérêt. Tout est à construire !
Vocaux 📣 : Nicolas (Pronoe), Frédéric (Deess), Rob (Imagination Machine) et Thomas (Bluebees) nous livrent leur vision et leurs secrets pour entreprendre et éliminer du carbone de l’océan. On plonge ?
Si ton boulot peut bien attendre un peu (8 min de lecture)
Au programme :
Rappel : les océans, aspirateurs à carbone.
Jobs : ils recrutent.
Idées de boites : on plonge ?
Vocaux : conseils d’entrepreneurs dans les coproduits.
Allez go
Cet e-mail sera coupé avant la fin. Lis-le directement dans ton navigateur ici 👇
1. Rappel 🧐 : les océans, aspirateurs à carbone.
Pour ralentir le réchauffement climatique, il faut réduire les émissions de CO2, mais aussi en retirer un maximum de l’atmosphère. Les océans absorbent déjà 30 % de ce que nous émettons chaque année. Ce dioxyde de carbone les rend acides, et leur biodiversité souffre.
Les inventeurs et scientifiques multiplient les projets pour soigner les océans, et leur permettre de pomper encore plus de CO2 de l’atmosphère. Certains projets pourraient aspirer des millions de tonnes de carbone. Même s’il faut privilégier la réduction des émissions, on ne peut pas rester indifférents…
2. Jobs ☝️: ils recrutent.
En Europe ou remote :
Pronoe (oCDR* - Paris) : 3 posts d’ingés
*oCDR : Carbon Dioxyde Removal (séquestration carbone via les océans)
Seafields (oCDR via sargasses - UK) : un(e) CEO, basé(e) idéalement à Londres, Barcelone, ou aux US.
Isometric (MRV indépendant - Londres & NYC) : Engineering, data, sales, projects management.
Ebb Carbon (oCDR - US) : Director of Project Development, en remote.
SeaO2 (oCDR - Pays Bas) : Chemical, mechanical, and automation engineers
Panblue (cartographie - Allemagne) : Assistant to the CSO, Data scientist.
Ailleurs dans le monde :
3. Idées 💥 : on plonge dans le grand bain ?
Les différentes technologies d’élimination du CO2 de l’atmosphère par les océans posent de nombreuses questions et sont loin de faire l’unanimité.
Ca se traduit dans les chiffres, puisque comme je l’écrivais dans la première partie :
Il faut éliminer 5 à 16 milliards de tonnes de CO2 de l’atmosphère chaque année selon le GIEC, en plus de réduire nos émissions.
Mais seulement 0.002 milliard de tonnes de CO2 sont actuellement éliminées tous les ans grâce aux nouvelles technologies de stockage carbone (dont celles basées sur l’océan).
C’est souvent en creusant pourquoi ça freine qu’on comprend quel projet lancer pour tout débrider.
Alors, qu’est-ce qui freine ?
Le grand public est méfiant. Le modèle économique de toutes ces solutions est basé sur les crédits carbone. Ils ont été conçus pour compenser “l’empreinte carbone résiduelle” des entreprises, soit la partie incompressible de leurs émissions. On reproche aux crédits carbone de financer des émissions qui seraient encore largement compressibles. Les commentaires sous mon post Linkedin sur Brilliant Planet symbolisent bien ces doutes.
Les grands groupes sont méfiants. Chat échaudé craint l’eau froide : les grandes entreprises qui compensent leur empreinte carbone ont une peur bleue de se retrouver au cœur d’un scandale, comme celui de Verra en 2022. Les soupçons d’abus chez Running Tide (pionnier du stockage de CO2 océanique) n’aident pas le secteur. Il ne faudrait pas que ça devienne une Running joke.
Les preuves sont insuffisantes. Les nouveaux process n’arrivent pas encore suffisamment à rassurer sur leur capacité à séquestrer du CO2 pour des millénaires.
Le prix est élevé. Le carbone vendu par les solutions océaniques est cher, souvent plusieurs centaines d’euros la tonne. Hors le prix moyen se situe autour de 80€ depuis 2 ans.
Le marché du carbone est en forte croissance et représente des centaines de milliards d’euros. Il faut flécher ces financements vers les bons projets.
Voilà ce que je creuserais :
Développe un acteur indépendant du MRV
Un outil de MRV (Monitoring, Reporting, Verification), permet de prouver qu’un projet a bien éliminé du CO2 de l’atmosphère. Il assure que la séquestration du carbone est réelle, additionnelle, mesurable et pérenne. C’est la clef pour recréer de la confiance et de l’intégrité.
Aujourd’hui, chaque acteur s’audite lui même. C’est dingue. Il y a évidemment un process, le plus connu étant celui de Verra : le “Verified Carbon Standard”. Celui-ci est largement perfectible, notamment parce qu’il est financé par les projets eux-mêmes. Il suffit de voir les abus qu’il y a eu ces dernières années.
Je résume :
Une startup qui élimine du CO2 fait 100% de son chiffre d’affaires en vendant des tonnes de CO2 sous forme de crédits carbone.
Son chiffre d’affaires est donc défini par le niveau de carbone dans l’océan avant / après qu’elle intervienne.
Elle fixe elle même quels sont ces niveaux. Elle s’assure de rentrer dans les cases de Verra (ou autres) pour pouvoir être certifiée. Et elle crie le plus fort possible qu’elle est raisonnable pour qu’on la croit.
Ca revient à demander à un entrepreneur d’écrire un chiffre sur le chèque qu’il va recevoir, tout en lui disant : “fais attention”.
Le comportement des êtres humains est influencé par leurs incitations financières. Cela ne peut pas être ignoré.
Lukas Lay, Isometric
Il y a une opportunité à développer un tiers de confiance indépendant du MRV :
Dont le client est l’acheteur du crédit carbone, et non le projet qui élimine ces tonnes de carbone. Pour qu’il n’y ait plus de conflit d’intérêt. En plus, l’entreprise acheteuse des crédits ne veut pas prendre le risque d’un scandale. Cela serait dans son intérêt qu’on lui trouve les meilleures opportunités de compensation carbone avec indépendance.
Dont le prix n’est pas corrélé au volume de CO2 vendu. Un abonnement annuel, pour ne plus motiver au volume de CO2 certifié, mais à la qualité de l’outil de certification.
Certains pensent qu’ajouter un intermédiaire sera trop coûteux. Je pense au contraire que si un problème survient à cause d’un investissement réalisé dans un projet qui n’élimine finalement pas le carbone, l’acheteur pourrait économiser des millions de d’euros. Mais c’est à creuser.
Inspiration : Isometric (Londres & NYC) s’est lancé exactement sur cette idée. Ils sont une quarantaine de salariés entre Londres et NYC, et leur modèle est passionnant. Ils ont levé $25m sur leur premier tour de table…
Il faudra bien plus d’un acteur de confiance pour plusieurs centaines de milliards d’euros de crédits carbone.
Isometric is a carbon removal registry and science platform. Our mission is to avert climate disaster by ensuring the transition to carbon removal happens responsibly and fast.
Lukas Lay, Isometric
Pour aller plus loin sur les MRV : étude Oceanography, février 2023.
Développe un projet de séquestration de CO2
Si tu souhaites développer (ou financer) un projet d’élimination de CO2 par l’océan :
Favorise un process dont la preuve (MRV) est simple. Comment vérifier que le carbone d’une algue qui coule à 1500m de profondeur a bien été séquestré dans les fonds marins et n’a pas réintégré le cycle du carbone en étant consommé par un autre organisme ? A l’inverse, un procédé lié à une usine existante qui utilise de l’eau de mer (ex de la dessalinisation) permet une mesure simple du carbone stocké. C’est le cas pour Pronoe, projet français à gros potentiel (cf vocal de son cofondateur Nicolas plus bas).
Sois transparent sur tout le process. Planetary Tech rend tout son calcul de captation et élimination de CO2 accessible sur GitHub.
Cherche les impacts multiples pour faire face à la problématique du prix du carbone. Comme les crédits carbone au lancement d’un projet sont chers, il faut mieux les valoriser. Tu peux vendre des crédits comprenant aussi une restauration de la biodiversité, une désacidification de l’océan, et un impact humanitaire par le développement de l’économie locale. De plus en plus de grands groupes veulent montrer qu’ils n’ont pas uniquement un focus carbone. Voilà un exemple des cobénéfices du Kelp :
Le CO2 n’a pas de frontière, il faut penser international dès le début. Choisis la localisation du projet en fonction du potentiel de séquestration de CO2. Blue Kelp produit des algues en Namibie car c’est là qu’ils ont trouvé l’eau la plus riche en nutriments. Ils veulent éliminer 500 millions de tonnes de CO2 / an d’ici 2050. A suivre et surtout à vérifier.
A l’inverse tu pourrais penser à replanter de la Posidonie en Méditerranée, ce qui serait utile car elle disparaît trop vite à cause du tourisme, de la pêche et des ancrages de bateaux. Mais le coût est très élevé. Ces projets de conservation et restauration sur nos cotes resteront probablement du financement public ou de la philanthropie.
Développe une technologie pour faciliter le MRV
De multiples technos se développent pour cartographier les océans : mini sous marins bardés de capteurs, drones aquatiques, images satellites ultra-précises. Tout est encore à construire : nous connaissons mieux la lune que les fonds marins.
Voici des exemples de technologies existantes pour cartographier les océans :
Sous marins & drones aquatiques : Terra Depth, Sail drone, Sulmara, Ocean data, Bedrock, Ocean Infinity, Deep Ocean, Ocean Aero,
Images satellites océaniques : Planblue, Eomap, Argans, Deess (voir vocal plus bas)
eDNA : analyse ADN de l’océan pour y détecter l’évolution de la biodiversité. Exemple de Nature Metrics.
Structures à but non lucratif : Gebco, qui veut rendre accessible les datas océaniques, et Seabed 2030, une coalition qui veut cartographier tous les fonds marins.
Le modèle économique actuel de tous ces acteurs est surtout porté par le développement des fermes éoliennes offshore. Je ne suis pas assez expert pour t’aider sur les technos qui seraient manquantes et pourraient accélérer l’analyse du carbone séquestré.
L’IRD est certainement l’institut de recherche le plus expert en France. Parfois des inventions à fort potentiel sortent de ces instituts de recherche et il manque une rencontre avec d’autres entrepreneurs. N’hésite pas à creuser…
4. Vocaux 📣 : conseils d’entrepreneurs.
Pour finir voici les points de vue de 4 entrepreneurs inspirants.
Nicolas Sdez, ingénieur et cofondateur de Pronoe, te donne 3 conseils pour creuser ce secteur de l’élimination du CO2 des océans.
Ps : on me dit dans l’oreillette qu’ils lancent leur levée de fonds… des business angels intéressés ?
Imagination Machine (partenaire du Plongeoir sur cette édition) est passionné par le futur de la captation carbone des océans.
Ils nous en parlent via la vision de Frédéric (DEESS), un de leurs partenaires potentiels pour la cartographie sous marine. Et via le point de vue de Rob, cofondateur du startup studio. Un régal !
Frédéric Mittaine est cofondateur de DEESS, une techno pour cartographier le fond des océans.
Rob Spiro est cofondateur d’Imagination Machine. Il nous parle de son intérêt particulier pour la partie “Monitoring Reporting Verification”.
Thomas Binet, cofondateur de BlueSeeds, nous partage son expertise sur la conservation des océans.
Merci de m’avoir lu et écouté jusqu’au bout. Si tu as décidé de plonger, retrouve la communauté du Plongeoir sur Discord pour en parler.
Tu peux lire les précédentes newsletters, notamment les dernières : L’océan, aspirateur à carbone, et les deux newsletters sur le gaspillage alimentaire et les coproduits : ici, et là.
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À très vite,
Guillaume