Les matériaux de demain
Plongeons dans le monde merveilleux du bâtiment pour comprendre comment on pourrait construire et rénover de manière beaucoup plus durable demain. Il est temps de sortir de l’âge de pierre :)
Hello,
Pour commencer bienvenue aux 714 plongeurs qui nous ont rejoints depuis que j’étais tout seul la semaine dernière. Ca fait une croissance de 71300%, ça c’est de l’hyper-croissance. Trêve de plaisanteries, c’est parti pour la première de chez première…
Je suis tombé sur un chiffre totalement dingue. 70% des déchets générés en France viennent du secteur du bâtiment. Et pas n’importe quels déchets. On est loin du timide papier ou du doux carton de notre poubelle jaune. Pendant que nous arborons fièrement une paille en bambou plongée dans notre cocktail en vacances, nos murs sont remplis de polystyrène ou de laine de roche.
Le BTP est aussi sur la deuxième marche du podium des émissions de CO2, avec 23% des émissions françaises, juste derrière les transports. Le ciment représente à lui seul 7% des émissions de carbone mondiales et le BTP est le premier consommateur de sable, matière première non renouvelable. On ne peut déjà plus trop rêver de ski, il va bientôt falloir arrêter la plage.
Quand on pense impact environnemental dans le logement, c’est l’isolation pour améliorer la performance énergétique qui vient en premier à l’esprit. C’est bien le seul secteur où plus on est isolé, plus on est performant. Mais est-ce que tu savais que 50% de l’impact du bâtiment est dû aux matériaux utilisés? 2X l’impact du transport aérien en France (5% des GES) se cache donc dans nos murs…
Plongeons dans ce monde merveilleux pour comprendre comment on pourrait construire et rénover de manière beaucoup plus durable demain. Il est temps de sortir de l’âge de pierre :)
Sommaire
1/ Que dit la loi ?
2/ Inspirations
3/ Idées de projets (c’est là que ton taux de dopamine va grimper en flèche)
Cet email sera probablement coupé avant la fin malgré moi par ta boite mail… n’hésite pas à le lire plutôt dans ton navigateur pour le voir en entier.
1/ Que dit la loi ?
1.1/ La loi du carbone
Si on veut atteindre la neutralité carbone d'ici 2050, il va falloir se mettre au boulot. Il y a pas mal de lois qui ont été votées en France et en Europe pour rendre nos bâtiments plus verts. Allons voir de plus près comment ça se passe.
RT 2012 : cette loi a lancé les objectifs de performance énergétique. Comme son nom l'indique, c'est une Réglementation Thermique. Désormais, on ne peut plus construire de logement qui consomme plus de 50kw/m2.
RE 2020 : cette loi est entrée en vigueur en 2022. Elle a des objectifs de performance thermique plus stricts, avec une conso max de 0kw/m2 pour du neuf. Place à la maison passive. Mais ce n'est pas tout, car tu as peut-être remarqué que cette loi s'appelle RE et non RT. Réglementation Environnementale, donc. Elle oblige à faire une ACV (Analyses de Cycle de vie) lors de la construction. Tu veux savoir si un bâti ment ? La RE 2020 introduit des nouveaux indicateurs pour évaluer leur empreinte carbone. Tu sauras tout.
RE 2030 ? L'ambition française est la neutralité carbone en 2050. Tu devines ce que la loi va faire évoluer ? C'est sûr qu'elle sera plus exigeante en matière d'utilisation de matériaux durables. Un marché qui ressemble donc à un tapis roulant sur lequel il faut monter dès maintenant pour mélanger impact environnemental et passion entrepreneuriale...
1.2/ La loi des déchets
Commençons par définir ce qu’est un déchet. Du point de vue du Larousse, le déchet est une “Perte, partie irrécupérable de quelque chose”. Si on s’en tient au Larousse, une fois que le déchet est là, c’est la fin. Ayons la foi, et ressuscitons-les. La définition que je préfère, celle pour l'entrepreneur, c’est qu’un déchet est un matériau qui attend son identité. Il faut donc imaginer le bâtiment en phase de démolition comme une banque de matériaux en devenir.
Consciente des enjeux massifs représentés, l’Europe avait fixé l’objectif de 70% de valorisation des déchets du bâtiment à l’horizon 2020. Mais en 2022, la moitié des déchets du BTP français étaient valorisés. Aïe, encore à la bourre ces français.
« 90% des métaux et 50% du bois sont recyclés, contre moins de 20% pour le plastique et le plâtre, et même moins de 5% pour le verre », a illustré, le 30 novembre 2022, le président de la Commission des filières REP (définition plus bas), Jacques Vernier, auditionné par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat.
Re-aïe. Alors, quelles sont les lois qui sont sorties depuis ?
Le diagnostic PEMD (Produits Equipement Matériaux Déchets) est effectif depuis le 1er juillet 2023. Les maîtres d’ouvrages ont pour obligation de réaliser un diagnostic des matériaux lors de démolitions ou rénovations. Si on sait ce qui va être détruit, on sait ce qui peut être récupéré. Un bon début. D'ici à 2050 la rénovation du parc immobilier produira 1,2 million de tonnes de déchets d'isolant, 9,8 Mt de déchets de couverture, 188 millions de fenêtres et 154 millions de volets ou portes. On en fait quelque chose ?
La loi AGEC (anti-gaspillage pour une économie circulaire), est entrée en vigueur le 1er janvier 2022. Son objectif est de passer d’une économie linéraire (produire, consommer, jeter), à une économie circulaire. Pour le secteur du bâtiment, elle introduit la REP. C’est la Responsabilité Elargie du Producteur (REP). On connait déjà cette REP dans le milieu des emballages, avec le producteur qui finance son recyclage. La REP bâtiments est effective depuis le 1er mai dernier. Comme la fin de vie est financée, cela va booster le réemploi, la réutilisation et le recyclage. Le réemploi ? Une porte redevient une porte. La réutilisation ? Une porte devient une table. Le recyclage ? Une porte est broyée pour être valorisée en bois aggloméré et redevenir une porte. Ça sent bon les opportunités entrepreneuriales tout ça.
1.3/ Le futur de ces lois ?
On a commencé par la rénovation énergétique, et tous les moyens de mieux isoler les bâtiments. On oblige désormais les ACV, et on fixe des limites d’empreinte carbone. On va tous se rendre compte progressivement que :
La performance énergétique c’est bien mais avec l’utilisation de matériaux durables c’est mieux. Ils seront biosourcés, géosourcés, réemployés ou recyclés. Pas de panique, on en parle plus bas.
Le processus de construction et de rénovation devra minimiser la production de déchets. FairPhone a inventé un téléphone dont un maximum de pièces peuvent être réemployées ou recyclées. Au lieu d’acheter le Fairphone 4, les possesseurs du Fairphone 3 peuvent décider de changer uniquement leur caméra, meilleure sur le nouveau. Le bâtiment du futur devra être un Fairphone. Il sera possible de ré-employer, réutiliser et recycler un maximum des matériaux car cela aura été prévu dès la conception du bâtiment.
Il va falloir rénover, mais moins construire. Selon l'Ademe, la construction neuve consommerait 17 fois plus de matériaux que la rénovation. J’entends encore souvent des réflexions du type “Ici, ça vaut vraiment le cout d’acheter une maison, de la détruire et de reconstruire”. C’est surtout nos réflexes qu’on va devoir reconstruire.
La construction neuve est en difficulté. Elle émet plus de CO2. Elle va baisser, tout le monde s’y attend. Tous les gros industriels disent : “on fait 80% de neuf, on fera 80% de rénovation.” Philippe Benquet, fondateur dirigeant d'Acorus (1800 salariés).
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2/ Inspirations
2.1/ Alternatives au ciment et au béton
Le ciment contribue à environ 7% des émissions de carbone dans le monde. Il est principalement composé de calcaire, de calcium, de silicium, de fer et d'aluminium, et constitue la base du béton. Il nécessite des fours qui montent à 1450 degrés, pour produire le fameux "clinker" et réchauffer le fameux “climat.” Evidemment tout va changer, et c'est un terrain de jeu magnifique pour entrepreneurs ambitieux. Les idées foisonnent. Certains utilisent le biomimétisme pour tenter de reproduire des processus naturels comme celui de la formation des coraux, d'autres utilisent des déchets des industries de la métallurgie et du charbon. Voici un petit tableau qui résume les différentes technos. Enfin, dernier argument béton : c'est un marché qui devrait croître de plus de 8,7% par an et doubler entre 2020 et 2029 pour atteindre 47 milliards de dollars. Solide.
Voici quelques exemples d’entreprises et de technologies :
Oxara (Suisse) : Liants pour matériaux sans ciment à base d'argile
DB (UK) : Cemfree utilise des sous-produits industriels comme le laitier de haut fourneau (déchet industrie acier) et des cendres volantes (déchet industrie charbon) pour déclencher une réaction chimique qui donne un matériau très similaire au ciment.
Terra CO2 Technology (Canada) : Ciment alternatif à base de granit, roches sédimentaires, basalte, déchets miniers.
Biomason (USA) : Micro-organismes pour fabriquer des briques à base de sable et de minéraux, inspiré du processus de formation des coraux
Prometheus Materials (USA) : Utilisation de microalgues pour produire des minéraux utilisés dans la fabrication du ciment
Lafarge (France) : Ecoplanet, produit utilisant le laitier de haut fourneau comme liant (déchet de l'industrie de l'acier)
Hoffman green (France) : Ciment sans clinker, 6X moins émetteur que le Portland
CCB Greentech (France) : Béton de bois TimberRoc, mélange 90% bois 10% ciment
TechnoCarbon (France) : Assemblage fibre de carbone et pierre pour remplacer le béton
2.2/ Matériaux biosourcés & géosourcés
Partout en France, des projets qui semblent d'un autre temps se multiplient.
A Miribel (26), le groupe scolaire a été construit en associant le bois épicéa, des murs en pisé (terre crue), un plancher bois et une isolation en paille. La maitrise d'ouvrage a fait très attention au confort et à la qualité de l'air, car le bâtiment est notamment destiné à la petite enfance.
On est loin de l'image de la maison de paille des 3 petits cochons non ?
« Le bois est léger, rapide à mettre en œuvre, isolant, esthétique. La paille ou le béton de chanvre (isolants à forte densité) peuvent venir renforcer l’acoustique et l’inertie des bâtiments bois » Maxime Baudrand, FIBOIS
Les matériaux biosourcés sont les matériaux partiellement ou totalement issus de la biomasse, tels que le bois, le chanvre, le colza, le miscanthus, la paille, le lin, le liège.
Les matériaux géosourcés sont les matériaux issus de ressources d’origine minérale, tels que la terre crue ou la pierre sèche.
Les matériaux biosourcés
Le Lin et le chanvre sont parfaits en tant qu’isolants. La France est le premier cultivateur d’Europe de Chanvre. De quoi créer des opportunités…
« La nature hygroscopique du chanvre dote les parois d’une respiration saine et naturelle. Le béton de chanvre permet d’atteindre les objectifs énergétiques les plus ambitieux, sans surenchère particulière au niveau de l’épaisseur des parois. De plus, ses performances dépassent actuellement les critères réglementaires d’évaluation des performances thermiques. » Cabinet Dumont Legrand Architectes.
La paille, cet humble dérivé de la nature, s'est révélée être un isolant thermique et phonique hors pair. Qui l'aurait cru ?
En 2022, la France comptait déjà plus de 5000 constructions en paille. Parmi elles, on compte des crèches, des écoles, des bureaux, et même des gymnases. La plus vieille maison isolée en bottes de paille, surnommée la "maison Feuillette", se trouve à Montargis, dans le 45. Cette bâtisse historique a soufflé ses 100 bougies en 2021, preuve vivante de la solidité de la paille.
La revanche du petit cochon sur le loup.
Et la fête ne fait que commencer : avec la validation des Règles professionnelles de la construction en paille qui garantit l'assurabilité des ouvrages, le nombre de bâtiments en paille ne cesse de grimper. Notre pays est même en tête du peloton européen avec une estimation de 500 nouvelles constructions chaque année.
Mais la poupe n'est pas la seule à avoir le vent en paille. Connais-tu la laine de bois ? Cet isolant écologique est fabriqué à partir de résidus forestiers, et se présente comme le leader sur le marché des isolants écolos. Alors oui, son pouvoir isolant est un poil moins performant que les isolants traditionnels, donc on en met un peu plus pour atteindre les mêmes performances en hiver. Mais en été, son fort pouvoir thermique fait des merveilles et offre un confort inégalé. Elle est donc l'isolant idéal pour les maisons à faible inertie de type ossature bois.
Ce n'est pas fini. L'entreprise Gramitherm fait figure de pionnière en transformant de l'herbe - oui, oui, de l'herbe - en isolant. Ils récoltent principalement l'herbe coupée lors des entretiens de bords de route. Avec ce procédé, ils arrivent à isoler pas moins de 3000 maisons par an. Addictif.
Mais l'industrie va même très très loin. Des acteurs comme Permafunghi produisent du Mycelium, une sorte de champignon, et le transforment en isolant. Ce champignon pousse 400 à 1000 fois plus vite que le bois et offre une excellente performance thermique. En plus d'être 100% naturel et biodégradable, le mycelium réduit significativement l'empreinte carbone d'un bâtiment grâce à sa capacité à séquestrer beaucoup de CO2 lors de sa croissance. Hallucinants ces champignons.
Finissons par deux coproduits stars du bois. Le premier, c’est le bois laminé. Il est formé de bois pressé en panneaux puis stratifié. Ce lui donne une solidité et une résistance au feu bien supérieures à celle d'un bois ordinaire. On l’utilise pour faire des poutres, des charpentes, et même des ponts.
Le deuxième produit dérivé du bois est le bois lamellé-croisé. C'est un matériau de construction ancestral, composé de petits morceaux de bois résineux laminés et collés sous une pression extrême dans deux directions opposées. Sa résistance est quasi surhumaine. On pourrait le surnommer Lamellix Croisix. Ce matériau permet de fabriquer de grands panneaux pour des murs ou des toitures. C'est un substitut idéal au béton et à l'acier pour construire en hauteur. Regarde du côté de la Suède, où la plus haute tour du monde en bois se trouve.
Sympas ces produits biosourcés non ? Ils permettent de :
réduire la consommation de matières premières non renouvelables et polluantes
valoriser des ressources locales avec un gisement de coproduits agricoles évalué à 15 Mt/an. Attention tout de même à la concurrence avec le besoin en matière organique dans les sols.
séquestrer du carbone. C’est valorisé par la RE2020 dans le cadre de la méthode d’ACV. Par exemple, 1m3 de bois séquestre 1 tonne de CO2.
créer des emplois en local. 3 000 à 4 000 emplois ont déjà été créés grâce aux matériaux biosourcés. Quoi de mieux d'ailleurs pour préserver des savoir-faire et un patrimoine que de remettre ces matériaux au gout du jour ?
Et ça coute cher ?
En moyenne, les matériaux biosourcés sont 10 à 20% plus chers que les matériaux pétrosourcés. Mais selon Jeremy Boomer de Natura Mater, l'inflation des coûts énergétique réduit progressivement l'écart. Il est fort à parier que le rapport de force change rapidement dans les années à venir. Les lois aident et les pétitions pour une TVA réduite se multiplient.
La terre, matériau géosourcé
Parfois il ne faut pas chercher à ré-inventer la roue. Le patrimoine marocain en Pisé n'est pas particulièrement fragile vue sa longévité. Il est parfaitement adapté aux fortes chaleurs grâce à l'inertie de la terre. Et si notre futur et notre adaptation au changement climatique résidait sous nos pieds ?
Le pisé est magnifique, mais restons terre à terre : son coût élevé et la main-d'œuvre spécialisée nécessaire en font un matériau peu accessible. De plus en plus, la terre crue est privilégiée en intérieur car elle est réversible, écologique, avec d'excellentes propriétés thermiques et acoustiques, et ne nécessite pas de peinture. Son désavantage est qu'elle ne peut pas toucher l'eau (comme le platre), mais elle est utilisée en intérieur. Elle se présente en briquettes, ou en enduit. Au niveau environnemental, un enduit terre crue est 5X moins carboné qu'une simple couche de peinture à l’eau.
Des acteurs tels que Terrio, Cycle Terre, les briquetteries Dewulf et Briques Technic Concept se sont spécialisés en France dans la terre crue et le pisé, avec une demande croissante. De premiers très beaux chantiers sont déployés, comme l’hôpital de jour de Melan ou le village des athlètes des JO 2024.
D'autres solutions géosourcées existent, comme Lithotherm en Allemagne, avec sa chape en granit et pierre de lave, alternative au ciment et mortier.
L'objectif est de combiner intelligemment ces matériaux dans la construction, mais il faudra également former et encourager les professionnels à les utiliser.
De nombreux parallèles existent avec le secteur agricole. C'est tellement tentant de recourir aux insecticides dès l'apparition des insectes et aux herbicides lorsque les mauvaises herbes pointent le bout de leur nez. L'agroécologie exige une approche réfléchie, permettant aux espèces de s'auto-protéger mutuellement. Le secteur du bâtiment va subir des transformations similaires. Il est bien plus facile de remplir les murs de polystyrène que de rechercher des alliages de produits biosourcés locaux. Le bâtiment va devenir vivant. Ces défis sont autant d'opportunités entrepreneuriales à saisir.
2.3/ Les matériaux recyclés
Selon l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), le BTP produit 260 millions de tonnes de déchets par an en France.
Sur ce total :
220 millions de tonnes proviennent des travaux publics et sont en grande majorité des déchets inertes, comme par exemple de la terre excavée, de la pierre, du béton et ciment, des briques, des céramiques, du carrelage, des tuiles, des parpaings, des gravats.
40 millions de tonnes viennent du bâtiment. Ces déchets du bâtiment sont très rarement nocifs. Selon le Service de l'observation et des statistiques de l'environnement, près des trois quarts sont là encore des déchets inertes. Un quart des déchets sont non dangereux non inertes (plastiques, métaux, plaques de plâtre...). La part des produits dangereux (solvants, amiante...) ne représente que 2 % du total.
Une grande majorité des déchets du bâtiment est donc recyclable. Canon. Pourtant on estime le taux de recyclage actuel entre 48 et 64 % selon les régions. C'est là que les entrepreneurs rentrent dans le game.
Recybéton, recycle des déchets de béton pour la fabrication de nouveau béton. Optimum, cherche de son coté à transformer de vieilles moquettes en ingrédient pour la fabrication de ciment alternatif.
Si comme tout le monde tu es passionné de moquette, lis cette histoire incroyable de l’entreprenneur Ray Anderson de 2011. Précurseur !
Ces deux projets sont des initiatives d'acteurs historiques du bâtiment. Neolithe est une startup qui transforme les déchets non inertes de chantiers (habituellement enfouis) en cailloux inertes (valorisés en sous couche routière). Leur procédé innovant s'appelle la “fossilisation accélérée”. Ils ont levé 20 millions d'euros en 2022 pour financer 24 fossilisateurs.
Mais les déchets à valoriser dans le bâtiment ne sont pas forcément issus du recyclage de déchets des chantiers. Le Pavé, a attiré mon attention parce qu'ils viennent d’introduire le plastique recyclé aux JO 2024. Ils fabriquent tous les sièges de la piscine. Un Pavé dans la mare. Leur matière première était initialement les bouchons de bouteilles d'eau et les bouteilles de shampoing. Ils lancent en 2023 un produit fabriqué avec des portes de frigo. Parfait pour équiper les championnats du monde de ski cet hiver ?
Leur produit le plus vendu est une simple plaque de 140 x 90 cm ou 244 x 135 cm avec un design très sympa car moucheté des couleurs des plastiques transformés. Cette plaque est un matériau que les artisans peuvent utiliser autant pour des revêtements de murs de cuisine, de salle bain, des plans de travail ou du mobilier.
“Un déchet est déchet car délaissé. C’est une ressource avec une histoire. Elle a une valeur. On doit la comprendre, la raconter dans le déchet. D’où le moucheté qui sensibilise l’utilisateur.” Marius Hamelot, Le Pavé, dans le Podcast “Dynamite”.
Leur technique de production semble perfectionnée avec leur usine qui produit aujourd'hui en 3x8. Et pourtant ça a démarré tout simplement : “On a chauffé du plastique dans des fours à pizza avec des tutos sur internet. On faisait des protos en dalles de 10cm et on collectait les retours.”
Selon Marius il ne faut pas avoir peur des défauts de son produit, s'il a d'autres qualités en face. Au départ, il y en avait beaucoup, le produit bougeait avec la chaleur, mais les retours permettent de s’améliorer.
Le Pavé est un produit tendre, qui se raye, se dilate, et n'est pas structurel. C'est pourri non ? Alors imagine que je suis entrepreneur et que je viens d'inventer le bois. Je le présente. En extérieur le bois va devenir gris et se décolorer. Il va se tacher avec l'eau. Pour le mettre en oeuvre, il faut le stocker dans la pièce où il sera installé avec température stable sinon ça bouge.” Pourri non ? Marius Hamelot, Le Pavé, dans le Podcast “Dynamite”.
Replace Plastic est une entreprise basée en Moselle qui récupère les déchets plastiques multi-composants. Ils en font des piquets ou des palettes recyclables.
Pierre Quinonero a fondé de son coté Purple Alternative Surface. Il positionne des bennes supplémentaires en déchetterie dans les 100km autour de Belfort, pour récupérer les plastiques rigides.
Ils broient tout, et produisent des dalles pour parking. L'intérêt du matériau est sa perméabilité (40L d'eau par m2). Il peut aussi être déplacé. Pour chaque place de parking, 1 tonne de CO2 est économisée. En fin de vie, on broie et on recommence.
“Avant, le toboggan en plastique de ton gamin et son seau finissaient incinérés, maintenant on les récupère.” Pierre Quinonero, dans “Les génies de la planète”
Richlite est un matériau composite conçu à partir de papier recyclé, il peut être utilisé surtout en aménagement intérieur. Les belles histoires s'écrivent souvent avec du papier.
Secondly est une société créée par des ch’tis il y a 11 ans, qui a déjà recyclé 2 millions de matelas, notamment pour en faire de l'isolant. Recyc Matelas est le plus gros acteur sur ce marché et transforme 20 000 tonnes de vieux matelas annuellement en isolant. Ils ne doivent pas dormir beaucoup.
Wasterial est une entreprise lilloise qui transforme des déchets en revêtement extérieur, en mobilier ou en objets, en utilisant à minima 75% de déchets dans la fabrication. Chaque déchet donne une couleur, un aspect qui lui est propre.
De nombreux projets recyclent des coquilles de coquillages. On en jette 150 000 tonnes par an en France (#1 en Europe). Entre Terre et Mer propose des coquilles en poudre pour différentes industrie dont le bâtiment. Ostréa produit du Terrazo magnifique avec des coquilles d'huitres, moules et saint jacques. Malakio produit de beaux objets et plans de travail. Ca donne envie de se servir un verre de blanc.
Tu as peut être entendu parler de CoolRoof, cette incroyable peinture blanche reflective soutenue par Team For The Planet ? Elle permet de réduire les besoins en climatisation de 20 à 50%, et est composée de coquilles d'huitres.
D'ailleurs les peintures pourraient faire l'objet d'un article à part, tellement il existe d'exemples d'alternatives aux produits acryliques. Je ne vais donc pas vous peindre tout le tableau. Simplement Conscient a lancé une gamme de peintures sèches naturelles, et Algo s'est fait remarquer avec sa peinture à base d’algues.
2.4/ Les matériaux réemployés
Le contexte autour du réemploi est très porteur en ce moment, notamment grâce à la loi AGEC. Par exemple, la commande publique doit favoriser le réemploi. En plus, comme la tension sur les matériaux est forte, il y a parfois beaucoup de délais. Cela pousse les acheteurs à regarder d’autant plus les matériaux de seconde vie, disponibles de suite. Pourtant, 1% des matériaux sont aujourd’hui réemployés selon l'Ademe. De nombreux freins existent encore :
Le réemploi nécessite une logistique complexe. Il faut identifier les matériaux disponibles, les extraire sans les endommager, en stocker suffisamment, puis les transporter jusqu’au nouveau site d’utilisation.
Il est souvent difficile d’avoir des informations précises sur les matériaux disponibles pour le réemploi. Cela concerne aussi bien leur quantité, leur qualité, que leur localisation. Les premiers diagnostics PEMD feront progresser la connaissance des matériaux de réemploi disponibles.
Les matériaux réemployés peuvent parfois présenter des risques en termes de conformité aux normes. Cela peut rendre difficile l’obtention d’une assurance.
On pense souvent que le prix d’un produit réemployé est forcément plus bas. Le coût de la logistique, de la remise en état ou de la certification peut rendre le produit réemployé aussi coûteux, voire plus, qu’un produit neuf.
La faible prise de conscience de certains maitres d'ouvrage ne favorise pas le réemploi et le recyclage. Les “déchets” souffrent d'un déficit d'image, et beaucoup recommandent par ailleurs d'utiliser le terme de “seconde vie”.
Malgré ces freins les projets se multiplient, surtout du coté des infrastructures publiques.
De nombreux aménagements sont issus du réemploi comme les moquettes, les 20 445 m² de faux plancher ou encore les 7500 m² d’isolant acoustique en textile 100% recyclé. Par ailleurs, l’ensemble du mobilier est éco-conçu avec un réemploi déjà identifié. Paris2024.org, au sujet de leur nouveau siège social.
Plusieurs marketplace de réemploi se sont créées. StockPro, est soutenue par le fond Demeter, et vient de s'associer à Ebay pour la distribution. Selon eux, plus de 5 milliards d'euros de produits neufs seraient jetés chaque année sur les chantiers… Backacia a de son coté réussi à se faire une place parmi les gros acteurs du BTP sans aucune levée de fonds. Cycle UP a été lancée en 2018 et compte aujourd'hui 45 salariés.
Le réemploi ne concerne pas que les matériaux, la terre est aussi concernée. Hesus est leader européen de l'économie circulaire des terres de chantier. Ils collectent chaque année 2 millions de tonnes de terres excavées pour leur redonner une utilité.
2.5/ La production hors site
Après la fin de la seconde guerre mondiale, il s'est développé un nouveau type de maisons modulaires au Japon. Fabriquées en usine, elles avaient pour objectif d'être déployées le plus rapidement possible, à un coût abordable. Daiwa House, PanaHome, Sekisui House, Misawa Homes se sont donc développés et sont tous devenus de très grosses entreprises aujourd'hui.
Alors qu'on aurait pu imaginer que cette méthode de construction soit remplacée au fur et à mesure des années, elle a au contraire continué à se développer. Plus de 180 000 maisons modulaires sont livrées chaque année au Japon, soit 12% des maisons neuves.
Mais quel est le rapport avec les matériaux durables ? Ces maisons produites “hors site” comme on dit en France, sont très performantes au niveau environnemental. Elles sont garanties 65 ans, et à minima 80% des matériaux peuvent être recyclés. Tout peut être éco-conçu initialement pour pouvoir être facilement démonté, puis réemployé ou recyclé. Le voilà le vrai Fairphone de la maison.
En France le sujet du Hors Site résonne très fort. Ossabois a été précurseur il y a 40 ans en produisant 100% en bois et hors site. Aujourd'hui, ils opèrent 3 usines en France, et livrent des hotels, des résidences, des logements collectifs et même des bureaux.
Sweelco est une entreprise du hors site intéressante à suivre aussi. L'ossature métallique est très légère et permet de la construction ou de la rénovation. L'acier n'est pas aussi écologique que le bois, mais c'est un métal 100% recyclable et l'ossature légère a un intérêt certain pour le transport et les surélévations. Il faudrait cependant creuser les Analyses de Cycle de Vie pour assurer une comparaison fiable avec les concurrents.
Vestack est beaucoup plus jeune. C'est une startup industrielle qui produit toutes ses maisons en usine, et les assemble sur site en une journée. Selon leurs fondateurs, l'intérêt du Hors site c'est :
L'Impact environnemental : 3X moins de CO2 que la construction traditionnelle à minima. Sur la fin de vie, tout peut être recyclé en usine. Toute la structure est en bois.
La rapidité d’exécution (légendaire dans le bâtiment) : 2X moins de temps de projet vs construction neuve, instruction du permis compris.
Et les inconvénients ?
Les architectes doivent respecter une trame, donc pas de liberté absolue.
C'est limité en hauteur (pas plus de 5-6 niveaux).
Ce qui est particulièrement inspirant dans cet écosystème, c'est qu'une école a même été mise en place pour faire émerger ce mode de construction durable et former les talents. Le Campus Hors Site propose une formation de quelques heures.
3/ Idées de projets
3.1/ Enrichir la data - #Batidata #Bimagine
Le secteur du BTP est très peu digitalisé. Par exemple, seulement 50 % des maîtres d'ouvrage ont adopté une solution de gestion de projet digitalisée. Placeshaker s'est lancé sur ce marché. Mais comment permettre une comptabilité des matériaux d’un bâtiment, une gestion précise de la recyclabilité et du réemploi, si on n’a pas une information fiable et structurée ?
Projet #Batidata : Il y a une opportunité dans la collecte et le traitement de la donnée des matériaux. Cela concerne aussi bien leur quantité, leur qualité, que leur localisation. En permettant à tous les gestionnaires immobiliers de voir leurs bâtiments comme des banques de matériaux, ils pourraient faciliter le réemploi en local. Upcyclea travaille ce thème data. Ils vendent un logiciel SaaS aux entreprises du BTP. Il manque aussi beaucoup de données sur ce qu’il est possible de réemployer ou recycler. Que faire des millions de fenêtres ? De la moquette ? J’ai appris en écrivant cet article que Le Pavé travaillait les portes de frigo car cela n’était pas valorisé. Mais quels sont ces produits non valorisés et comment le savoir ? Il faut apporter de la transparence sur ce qui est valorisé et ce qui ne l’est pas encore, selon les territoires.
Le business model de BATIDATA serait celui d'un SaaS avec abonnement annuel, que paieraient tous les acteurs du bâtiment qui veulent structurer la data sur leurs matériaux. Des partenariats avec les BIM (voir ci-dessous) et autres outils digitaux permettraient de pénétrer rapidement le marché.
Projet #Bimagine : Le “BIM” pour “Building Information Modeling” permet de créer et de gérer des modèles 3D intelligents pour les projets de construction. Il contient des informations détaillées sur chaque élément du bâtiment, ce qui facilite la collaboration, optimise la planification, et permet de mieux anticiper les problèmes. Ce sont des outils qui peuvent devenir la colonne vertébrale de toute l’information. Sachant que ces informations vont sacrément se complexifier pour inclure les matériaux durables locaux, le réemploi et le recyclage, les enjeux sont impressionnants.
Dans l’ensemble, le BIM – en particulier sa dimension 5D intégrant la planification et le budget – devrait générer un potentiel d’amélioration significatif (coûts directs, qualité, délais, sécurité, image) sur l’ensemble de la chaîne de valeur de la construction (conception, construction, exploitation et destruction). Ce potentiel peut être encore renforcé si l’on déploie un BIM connecté, véritable cockpit de coordination centrale. Source : Workshop Oliver Wyman et Autodesk
Ces outils vont devoir fortement évoluer à l'avenir avec un nouvel angle data et gestion environnementale. Il est peut être intelligent de repenser tout ce modèle à l’aune des révolutions en cours. BIMAGINE pourrait être un nouvel acteur, qui démarre par convaincre des clients de taille moyenne, challengers qui veulent prendre une longueur d’avance sur la gestion des données face aux grands du BTP.
3.2/ Relocaliser - #Localmat
Tous les acteurs naissants dans la filière de matériaux durables le répètent : les besoins sont là, mais la filière n’est pas assez structurée. Tout le monde va vouloir de la production au même moment suite aux différentes lois passées. Il faut industrialiser. Certains industriels peuvent accélérer, mais une grosse part se déroulera en local, en décentralisé, dans les régions. Les filières biosourcées (lin, chanvre, paille, etc.) ont des enjeux agricoles différents selon les territoires. La terre crue ne peut pas être transportée loin. Qui dit décentralisé dit compliqué pour les plus gros industriels. Et qui dit compliqué dit opportunité entrepreneuriale.
Projet #Localmat : Pourquoi ne pas développer un réseau de banques de matériaux durables locales, dont l’objectif serait de capitaliser sur les ressources du territoire, pour les vendre aux acteurs de la rénovation et de la construction ? L’idée serait d’être fournisseur des différents acteurs du bâtiment sur le territoire pour leur fournir à la fois du réemploi (selon les chantiers de démolition et rénovation locaux), du recyclé localement, mais aussi du biosourcé et géosourcé (terre crue, bois, filières d’isolants en lin, chanvre, paille, etc.). Un des freins au développement des matériaux durables est l'éducation au sujet des maitres d'oeuvre et autres artisans. Agir en local permet de comprendre leurs peurs et d'y répondre pour transformer l'essai. LOCALMAT pourrait fournir les matériaux, mais pourrait aussi proposer du conseil et de la formation.
Le recyclage des déchets de construction ne pourra prendre son essor que si nous arrivons à mailler efficacement le territoire, en mettant à la disposition des professionnels des plates-formes de traitement de proximité : accessibles pour faire gagner du temps et des kilomètres, gratuites et avec des procédures simples, technologiques et digitales pour leur faciliter la vie. Au-delà du dépôt de déchets inertes, ces sites doivent offrir la possibilité d’acheter en même temps des matériaux recyclés, dans une logique de circuit court. Thierry Méline, Président de Colas France), dans Le Monde.
Est-ce qu’on attend que les pouvoirs publics agissent ou est-ce que des entrepreneurs peuvent se saisir de la collecte des matériaux ? Pourquoi ne pas développer un modèle complémentaire à celui des déchetteries, qui permette aux acteurs du bâtiment de déposer leurs déchets inertes / non inertes et d’y acheter des matériaux recyclés, réemployés, biosourcés ou géosourcés?
De nombreux partenariats pourraient être tissés avec des acteurs qui ont déjà développé un produit comme Le Pavé ou Purple Alternative Surface qui souhaitent mettre en place un réseau de micro-usines de transformation de déchets sur les territoires, et qui pourraient compter sur LOCALMAT comme partenaire local.
La centralisation à détaché l’industrie des enjeux. Il faut qu’elle soit beaucoup plus décentralisée. Nous devons anticiper une nouvelle forme d’industrie qui s’adapte au contexte actuel. Marius Hamelot, Le Pavé
💡 Pour info, voila ce qu'écrit la filière du BTP dans sa feuille de route transmise au gouvernement. Je trouve cela très en ligne avec ce projet LOCALMAT de banque locale de matériaux.
Actions à mener par la filière :
Coordonner les outils opérationnels mis à disposition des acteurs pour identifier, qualifier et quantifier les ressources/solutions locales via la création d’un observatoire national agrégeant des données locales, le développement d’un système d’informations (portails, cartes, etc.) à l’usage des prescripteurs, maîtres d’ouvrage, et entreprises et la réalisation des fiches de caractérisation Produit Équipement Matériaux Déchet (maître d’ouvrage, maître d’œuvre, entreprises de construction, industriels, promoteurs, exploitants/mainteneurs, collectivités territoriales)
Développer et/ou relocaliser, dans des conditions à définir, la production de matériaux et matériels, en fonction des besoins locaux, des modes constructifs, des exigences architecturales, etc.
3.3/ Développer une filière - #Isolin #Isobio #Batibis
Une opportunité entrepreneuriale est de choisir une filière en devenir et de la développer. Certains produits biosourcés comme le Chanvre ont déjà leurs interprofessions et leurs structures de promotion. C'est le cas aussi de la construction paille, avec le Réseau Français de la Construction Paille. Le lin est une filière très dynamique, mais je n'ai pas trouvé de réseau de “constructeurs lin”.
Projet #Isolin : Une première idée serait de développer un produit fini en partenariat direct avec une coopérative locale, en se basant sur une industrie déjà structurée (lin, chanvre, paille). Par exemple, développer un isolant lin (ou un linoleum) en partenariat avec les producteurs de lin normands (Terredelin) et commercialiser ce produit auprès des constructeurs normands au démarrage.
Projet #Isobio : Une deuxième approche pourrait être de développer une nouvelle forme d'isolant à base d'une biomasse peu exploitée dans le secteur du bâtiment, et développer la filière de bout en bout. C'est ce que fait Gramitherm en Belgique. Développer une filière de collecte d'herbe et transformer pour produire de l'isolant en France ? Travailler la collecte et transformation des coproduits du Sarrazin ? de l'épeautre ? ou encore des drèches de bière ? Enfin le potentiel du Miscanthus est important et mériterait d'être creusé.
Projet #Batibis : une troisième idée est de développer une filière, mais cette fois-ci non pas dans la biomasse mais dans le ré-remploi ou le recyclage. Mobius vend du faux plancher récupéré sur les chantiers comme un produit reconditionné à part entière par exemple.
La problématique principale à l’intégration de matériaux issus du réemploi est le manque de filières : si vous souhaitez installer 1 000 radiateurs reconditionnés sur une opération en 12 mois, vous ne trouverez pas d’entreprise suffisamment grande pour répondre à votre demande. En effet, ce métier est nouveau et nécessite une certaine maîtrise : identifier les opérations sources ; déposer ou faire déposer les matériaux ; transporter du site d’enlèvement au site de reconditionnement ; reconditionner ces éléments et les envoyer vers le site de pose. Noé Basch (fondateur Mobius), Polytechnique Insights
Je pense qu'il reste beaucoup de place vus les développements du réemploi à venir. Il faudrait creuser les gisements de réemploi présents massivement dans les bâtiments et structurer la filière pour rendre les process de démontage / transport / remontage fluides, simples, et solides pour que cela soit adapté aux gros acteurs du bâtiment.
Projet #Recylife : En ce qui concerne le recyclage Secondly recycle les matelas en isolant, Le Pavé et Purple transforment du plastique en matériaux. Pourquoi ne pas visiter les plateformes de collecte et de recyclage autour de chez toi pour comprendre quels sont les gisements locaux à transformer ? Il ne faut pas avoir peur d'essayer de transformer un produit à une échelle microscopique au démarrage. Par contre il vaut mieux viser de vendre un produit massivement utilisé dans le bâtiment, comme un isolant, un revetement de sol, ou un plan de travail de cuisine, pour faciliter le déploiement commercial.
Une clef de succès du modèle réside dans la standardisation en amont et en aval. Les succès du Pavé ou de Secondly ont en commun de transformer une matière première abondante (plastique & matelas) en un produit standard massivement utilisé (isolant et plaques de plastique pour l'aménagement intérieur). Il vaut aussi mieux que ton produit assure. Il faut démarrer par un produit dont l'assurance est possible ou non fondamentale.
Une deuxième clef de succès est de rendre ces matériaux visibles, pour qu'ils puissent raconter une histoire. Lorsque Ostrea récupère des huitres et les transforme en matériau de construction, ils racontent une magnifique histoire de valorisation des richesses de l’océan.
Lorsqu'une maison est construite en terre crue, la terre est apparente dans la maison et devient à elle seule un sujet de conversation pour les visiteurs. Cela n'est pas le cas quand on met de la paille ou du lin comme isolant dans les murs. Les bouts de plastique colorés du Pavé et les coquillages incrustés d'Ostréa sont des exemples inspirants. Ils auraient pu décider de broyer les morceaux en si petits bouts que personne n'aurait pu savoir quel était l'ingrédient de base. Ils ont choisir d'en faire une force visible, et ils ont raison.
3.4/ Rendre le bâtiment plus inspirant - #BBat #Storymat
Pourquoi est-ce qu’au marché nous répondons fièrement “non” à la question “vous voulez un sac ?”, en arborant notre cabas en toile de jute, alors qu’on déroule des centaines de mètres de lino PVC pour rénover les chambres de notre maison ? Je pense qu’une des raisons principales, c’est que personne ne nous a raconté une assez belle histoire pour nous inspirer vers un nouveau récit sur les matériaux à choisir. Nous n'y pensons pas suffisamment.
Une des difficultés majeures de la plupart des matériaux comme je le disais au dessus, c'est qu'ils ne se voient pas. L'isolant écologique est invisible par exemple, ce qui rend son déploiement plus long. Le marketing a peu de place, et l'égo de celui qui paie plus cher pour acheter son matériel écologique n'est pas valorisé.
A Bruxelles, le Wood Hub est le nouveau siège du CFE (groupe immobilier). Ils ont choisi de faire de leur siège social un flagship environnemental, et de raconter une histoire. Le nom du siège, Wood Hub, incarne ce récit. Le bois y est omniprésent, avec de l'isolation en laine de bois notamment.
Le Label Ma Maison Vivante permet de labelliser sa maison et son jardin comme écologique. Je trouve ce concept très inspirant, pour permettre de valoriser celles et ceux qui s'engagent à un habitant plus écologique. Tu connais peut être BCorp, qui est un label rassemblant les entreprises qui s'engagent à ne plus chercher à être les meilleures au monde, mais les meilleures pour le monde. L'engagement social et environnemental nécessaire pour être labellisé est très important, et surtout il nécessite de continuer à s'améliorer. Tous les 2 ans minimum un audit a lieu, et si le score obtenu ne s'améliore pas à chaque fois, le label est retiré.
Projet #BBat : Je pense qu'il existe une opportunité de labellisation des maisons, immeubles, bureaux, projets de construction et de rénovation. Si le projet respecte les critères environnementaux exigeants du label (bien supérieurs au niveau légal évidemment) alors le label est obtenu, et une petite plaque peut être apposée à coté de la porte du logement. “Logement certifié BBat”. Lorsque l'on pose la question à une entreprise BCorp sur l'intéret du label, elle avouera souvent que c'est un atout important pour la marque employeur. Mais elle parlera surtout de l'intéret du process pour se remettre en question, apprendre et être guidé sur le chemin de la performance environnementale. Décider de se lancer dans la labelisation de son projet de rénovation ou de construction serait pour un particulier ou un professionnel un moyen de s'engager à s'améliorer constamment, étape par étape. D'un point de vue très personnel, je ne saurais pas par quoi commencer dans ma maison pour devenir plus écologique. Rentrer dans une démarche de label serait un nouveau challenge impliquant toute la famille (ou les collègues pour un bureau). Du coté des particuliers, et des professionnels, il y a par ce label BBat une forte opportunité de créer un esprit de club. La communauté BCorp est très active, et inspirante, et un club des engagés dans le BTP pourrait avoir le même effet, entre particuliers, mais surtout entre professionnels. Enfin ce label peut faire office de formation continue pour les acteurs qui s'engagent, car peu d'entrepreneurs sont aujourd'hui suffisamment formés pour construire et rénover de manière durable.
Le modèle économique pourrait être de vendre le process de certification, puis un abonnement annuel pour continuer l'amélioration continue et adhérer à la communauté. Cela pourrait être aussi du conseil et de la formation.
Projet #Storymat : une deuxième opportunité est de créer une agence de conseil qui soit à la fois incollable sur les matériaux durables, et compétente pour raconter de nouveaux récits. Cela permettrait d'accompagner les acteurs du bâtiment pour mieux vendre les projets contentant des matériaux durables aux acheteurs, mais aussi aux équipes ou encore aux partenaires. Pour donner un exemple concret, cette agence pourrait décider d'intégrer dans les bâtiments construits en béton de chanvre des chaises et des tables en chanvre avec une discrète explication : “Cette chaise est en chanvre, comme toute l’isolation du bâtiment. Rien que dans cette pièce, 4 tonnes de CO2 sont stockés.”
3.5/ Ingénieur inventeur ? - #Fairhome
Je suis persuadé qu'il reste encore des centaines d'inventions à venir sur les nouveaux matériaux, que cela soit à base de biomasse, de recyclage, ou en alternative au ciment. Si tu te sens l’âme de l’ingénieur inventeur, le monde du bâtiment a besoin de toi. Je n’ai pas la prétention de pouvoir proposer des idées sur ce sujet, cela nécessite beaucoup de travail de R&D. Des incubateurs spécialisés existent, comme EuroMaterials ou celui d’Impulse.
Projet #Fairhome : La production hors site a aussi de très beaux jours devant elle, cumulant capacité à produire vite, moins cher, de manière beaucoup plus écologique et maitrisée. Si tu souhaites lancer un projet ambitieux de construction durable, un projet complémentaire des acteurs existants comme Vestack ou Ossabois est une très très bonne idée. En ces temps d’inflation, ces projets qui cumulent impact environnemental meilleur et coûts plus faibles sont très précieux. Des pierres précieuses comme on dit.
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Bonus pour terminer cet email sur une note légère : Chaque année 130 000 couples se séparent. En moyenne, chaque couple qui explose génère un besoin de 0,7 logement supplémentaire. Si tu veux vraiment réduire le besoin en logements pour baisser la pression écologique qu'exerce le secteur, tu peux créer une structure de coaching de couple ou une nouvelle app de dating. Un projet #Batinder ?
Si une de ces idées te chauffe autant que le climat, rendez-vous sur Discord pour en parler, participer, me proposer de nouvelles thématiques à creuser… un futur désirable, ça se dessine ensemble!
J’ai deux dernières choses à te demander :
1/ peux-tu me dire ce que tu as pensé de cette newsletter en cliquant simplement “répondre” ? Qu’est ce qu’on garde ? Qu’est ce qu’on change ?
2/ Si tu veux me faire plaisir et m’aider, le plus important : partage cet email à au moins une personne qui pourrait être intéressée. Plus on est de fous sur le plongeoir plus on se marre (et plus ça me motive à écrire).
A très vite,
Guillaume
Intéressant et clairvoyant !
C'est ce qui nous anime au quotidien chez SEVE mobilier pour une économie circulaire au service du BTP. Nous collectons des déchets auprès de nombreux partenaires du bâtiment que nous revalorisons dans la fabrication de mobilier 100% recyclé en série à destination des entreprises et collectivités, parfois pour meubler les bureaux des mêmes sociétés chez qui nous avons collecté des déchets pour une économie 100% circulaire ! Et cerise sur le gâteau, tout est fabriqué par nos salariés en insertion professionnelle afin de les aider à retrouver un emploi durable ! Ayant démarré tout petit en 2015 - et considéré comme des fous à l'époque ;) - nous sommes les plus gros producteurs de mobilier upcyclé mais surtout en passe d'amorcer une étape de croissance inédite car sollicités de toutes parts : producteurs de déchets du bâtiment et de l'industrie du meuble, clients et entreprises et collectivités.
Tout comme Le Pavé avec qui nous gravitons dans les mêmes cercles pros, l'avenir du bâtiment est à l'upcycling !
Très intérressant! Complet avec une très bonne synthèse de toutes tes recherches!
J'ai hate de lire le post suivant.